"Durant mes règles, j’ai mal dans le bas du dos, je suis très fatiguée, je souffre de migraines et d’intenses spasmes, qui surviennent de façon aléatoire", confie Lucie Rouet, responsable communication chez Louis, une société haut-garonnaise spécialisée dans la fabrication de mobilier de bureau éco-responsable. Lorsque ces douleurs de menstruations, appelées "dysménorrhée", se présentent, la jeune femme de 27 ans fait le choix de rester en télétravail. "Travailler chez moi pendant mes règles douloureuses me permet de m’organiser comme je le veux, par exemple je peux me reposer le matin et réaliser mes missions l’après-midi", déclare-t-elle.
Règles douloureuses : "Un justificatif médical, c’est une contrainte pour ce phénomène naturel !"
Au sein de cette entreprise d’une vingtaine d’employés, la Toulousaine n’est pas la seule salariée qui a la possibilité de souffler un peu durant ses menstruations. "Depuis le 8 mars 2022, journée internationale des droits des femmes, on propose un congé menstruel à toutes les personnes menstruées de l’équipe. En clair, la société offre un jour de télétravail ou de repos par mois supplémentaire aux femmes qui souffrent de dysménorrhée. Depuis la mise en place de congé, deux ébénistes et ma stagiaire l’ont souvent pris", explique la vingtenaire qui a porté ce projet jusqu’à sa réalisation.
Pour bénéficier de ce jour de repos, les salariées doivent poser un congé sans solde, qui est remboursé par la société, sur l’application Payfit. "Personne ne perd de l’argent à la fin du mois", spécifie Lucie Rouet. Selon elle, les membres de l’équipe n’ont pas besoin d’aller chez le médecin pour justifier leur absence. "Un justificatif médical, c’est une contrainte pour ce phénomène naturel ! Dans notre entreprise, tout est basé sur la confiance. En clair, quand on pose un jour de congé sans solde pour menstruations douloureuses, il faut préciser en commentaires 'CM' (pour congé menstruel) ou 'règles' et prévenir notre manager."
D’après la responsable communication, ce congé menstruel leur a permis de se sentir mieux. "On est moins angoissée à l’idée de savoir que l’on peut se reposer. De plus, ce jour de repos ou de télétravail nous permet de récupérer de l’énergie et de revenir le lendemain plus en forme, réactive et productive", souligne-t-elle.
Congé menstruel : "Ce projet ne faisait pas l’unanimité"
C’est durant l’été 2021 que Lucie Rouet a décidé de parler pour la première fois du congé menstruel. "Cette année-là, notre 'offsite' (à savoir une sorte de séminaire) était près de Perpignan". Pendant une réunion, appelée "Ask Me Anything", elle a osé interpeller Thomas Devineaux, directeur et fondateur de Louis, sur l’instauration du congé menstruel. "J’avais remarqué qu’une ébéniste était régulièrement absente et devait poser des congés ou des arrêts maladies en raison de ses règles douloureuses. À cause de ses symptômes invalidants (vomissements, fatigue, perte de connaissance), elle ne pouvait pas travailler en sécurité", raconte la Toulousaine.
Après s’être exprimée lors de cette réunion, elle s’est rendu compte que ses collègues masculins assis autour de la table baissaient la tête. "Ils étaient gênés et mal à l’aise, car les règles sont un sujet tabou. J’appréhendais la réaction des fondateurs de l’entreprise, mais finalement, Thomas m’a donné une réponse positive. Cependant, ce projet ne faisait pas l’unanimité. Au début, deux ou trois personnes y étaient réfractaires", se souvient la jeune patiente. Après plusieurs réunions et une présentation sur les douleurs de règles au travail, ses collègues ont changé d’avis. "Certains ont même dit qu’il était dangereux de porter des charges lourdes dans ces conditions."
Avant de mettre en place ce congé menstruel, Lucie Rouet a dû rédiger une charte de consentement et la distribuer à l’ensemble de l’équipe. "100 % des signatures ont été récoltées", précise la salariée de Louis.