- Les recherches sur la mucoviscidose ont permis d’augmenter considérablement l’espérance de vie des patients atteints par cette grave maladie.
- En 1945, avant le début de la prise en charge des patients, l’âge médian de survie était de 4 à 5 ans.
- Il est progressivement passé à 20 ans dans les années 1980, et il est aujourd’hui de 50 ans.
Aujourd’hui en France, environ 6.000 personnes sont touchées par la mucoviscidose. Chaque année, c’est près de 200 enfants qui naissent atteints de cette maladie génétique héréditaire. La mucoviscidose concerne principalement les poumons, mais elle atteint aussi d’autres organes, dont ceux de l’appareil digestif, et l’appareil reproducteur.
Mucoviscidose : une espérance de vie plus faible pour les femmes
Le dépistage systématique de la mucoviscidose à la naissance a révélé que le nombre de nouveau-nés masculins et féminins atteints de mucoviscidose sont similaires. Cependant, une chose interroge vis-à-vis de cette affection : les jeunes patientes développent une maladie pulmonaire plus précoce et plus sévère que les garçons et la mortalité des femmes atteintes de mucoviscidose est plus élevée que celle des hommes. Leur espérance de vie est ainsi de 49 ans en moyenne, contre 56 pour les hommes, à l’inverse de ce qui est observé dans la population générale. Pourquoi les deux sexes n’ont-ils pas les mêmes chances de survie ?
C’est à cette question qu’a tenté de répondre Valérie Urbach, chercheuse à l’INSERM à l’Institut Mondor de recherche biomédicale (Créteil). Elle en parle dans un article de The Conversation : cette dernière a récemment fait une découverte avec son équipe qui pourrait expliquer, au moins en partie, la plus grande vulnérabilité des femmes malades par rapport aux hommes.
Une inflammation persistante à cause d'infections à répétition
“Nos travaux ont révélé que certaines molécules intervenant dans l’interruption de l’inflammation sont fabriquées en quantité insuffisantes par les cellules respiratoires des femmes atteintes de mucoviscidose”, explique-t-elle. La cause ? “une anomalie du gène CFTR, qui permet normalement de fabriquer une protéine ‘canal’ située dans la membrane cellulaire des muqueuses (respiratoires, digestives…). Ce canal est responsable de la sécrétion d’ions chlorure vers l’extérieur des cellules”, ajoute la chercheuse. Or, c’est ce canal qui dysfonctionne chez les patients touchés par la mucoviscidose. Conséquences : “Les cellules sécrètent moins de chlorure et surtout moins d’eau, notamment à la surface des voies respiratoires.”
Et ce déficit d'eau a de grandes répercussions. En effet, normalement, les voies respiratoires sont couvertes d’une fine couche de liquide et de mucus qui permet de tuer les germes entrés dans l’organisme via le nez ou la bouche. “Lorsque cette couche est déshydratée, le mucus devient visqueux et collant. Il ne remplit plus correctement sa fonction, c’est pourquoi chez les patients atteints de mucoviscidose, bactéries et champignons restent donc piégés dans les bronches”, détaille Valérie Urbach. Les infections à répétition qu’entraîne cette situation conduisent au développement d’une inflammation durable dans les poumons, ce qui les dégrade petit à petit. Cela peut causer des difficultés à respirer et, à terme, la mort des malades.
Agir sur les SPM, une piste thérapeutique prometteuse
Plutôt que d’empêcher le déclenchement de la réponse inflammatoire, habituellement protectrice, “une piste thérapeutique pleine de promesses consiste à stimuler la résolution de l’inflammation”, souligne la chercheuse. Cette dernière est orchestrée par diverses molécules appelées lipoxines, résolvines, marésines et protectines, de la famille des “specialized pro-resolving mediators” (ou SPM). Des "soldates du feu", très importantes pour éteindre l’incendie de l’inflammation au sein de notre organisme. Elles interviennent également dans la réparation des tissus endommagés pendant la phase aiguë de l’inflammation. “L’inflammation plus importante n’est pas la seule explication de la maladie. En effet, chez les malades, la réaction inflammatoire est, de plus, inefficace et disproportionnée ; elle est même quelquefois observée en absence d’infection microbienne”, précise la scientifique.
Les observations réalisées par son équipe de recherche pourraient apporter un début d’explication à cette situation : “Nous avons montré que plusieurs membres de la famille des molécules de la résolution de l’inflammation, les SPM, sont produits en quantité plus faibles par les cellules respiratoires des femmes atteintes de mucoviscidose par rapport à celles des hommes. Nous cherchons maintenant à identifier les mécanismes moléculaires impliqués dans cette anomalie, avec l’espoir de mettre au jour de nouvelles pistes thérapeutiques.”
Ces travaux pourraient également permettre de mieux comprendre la situation d’autres patients, car l’étude des molécules de la résolution de l’inflammation présente un intérêt qui s’étend bien au-delà de la seule mucoviscidose, comme le rappelle Valérie Urbach. En effet, des anomalies similaires ont aussi été observées pour d’autres maladies (les maladies inflammatoires chroniques comme la périodontie, une inflammation des gencives, la sclérose en plaques, les maladies cardio-vasculaires, l’asthme sévère, ou encore la Covid-19).