Nos intestins abritent des milliards de micro-organismes. Le tout forme le microbiote intestinal. Depuis plusieurs années, des scientifiques étudient son rôle dans l’organisme. Dernièrement, une équipe de l'Université du Michigan a démontré qu’il est impliqué dans la régulation de la température corporelle, aussi bien au quotidien que lors de maladies. Leurs résultats sont publiés dans American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine.
La température corporelle, une donnée variable
La température corporelle fait partie des données vitales : "elle est à la fois facile à mesurer et nous donne des informations importantes sur le corps, comme son état inflammatoire et métabolique", précise Kale Bongers, auteur principal de cette recherche. Ce qui est considéré comme une température corporelle normale diverge d'une personne à l’autre. Mais les raisons de cette variation sont encore inconnues. De précédentes recherches ont pointé le rôle potentiel du microbiote intestinal.
C'est pourquoi les chercheurs de l'Université du Michigan ont voulu examiner les interactions entre les bactéries présentes dans l'intestin, les fluctuations de température et leurs conséquences sur la santé. Pour y parvenir, ils se sont appuyés sur deux éléments : les données des dossiers médicaux de 116 patients hospitalisés pour une septicémie et les résultats d’expériences menées sur des souris.
Les scientifiques se sont intéressés à la septicémie, car cette infection potentiellement mortelle peut provoquer des changements drastiques de la température corporelle. "Des travaux antérieurs ont démontré que les patients hospitalisés atteints de septicémie ont des réactions considérablement variables face à la température, et cette variation prédit leur survie", précisent-ils dans un communiqué.
Une corrélation entre microbiote et température corporelle
L’un des premiers constats des auteurs est la forte variabilité du microbiote intestinal. "On peut dire que nos patients ont plus de variations dans leur microbiote que dans leur propre génétique", explique Kale Bongers. "Deux patients peuvent être identiques à plus de 99 % dans leurs propres génomes, alors qu'ils ont littéralement 0 % de chevauchement dans leurs bactéries intestinales."
Ils ont ensuite remarqué que cette variation était corrélée aux trajectoires de température du patient pendant son séjour à l'hôpital. "Les bactéries communes des Firmicutes étaient les plus fortement associées à une réponse accrue à la fièvre, précisent-ils. Ces bactéries sont courantes, varient d'un patient à l'autre et sont connues pour produire d'importants métabolites qui pénètrent dans la circulation sanguine et influencent la réponse immunitaire et le métabolisme de l’organisme." Pour confirmer ces résultats dans des conditions contrôlées, l'équipe a utilisé des modèles de souris, comparant des souris normales à des souris génétiquement identiques, dépourvues de microbiote. "Nous avons découvert que le même type de bactéries intestinales expliquait les variations de température à la fois chez nos sujets humains et chez nos souris de laboratoire", développe le co-auteur Robert Dickson. Même en bonne santé, les souris sans microbiote avaient des températures corporelles de base inférieures à celles des souris non-modifiées.
Microbiote intestinal : une explication à la baisse de la température corporelle ?
Les auteurs expliquent que depuis les années 1860, la température corporelle de base des êtres humains n’a cessé de baisser, pour des raisons encore inconnues. Ces nouveaux résultats fournissent une piste d’explication. "La génétique humaine n'a pas changé de manière significative au cours des 150 dernières années, mais des changements dans l'alimentation, l'hygiène et les antibiotiques ont eu des effets profonds sur nos bactéries intestinales", rappelle Kale Bongers.