"Je suis dyslexique, dysorthographique, dysgraphique et dyscalculique", énumère Benoît Jurado. Ces troubles du langage écrit correspondent à des difficultés d’apprentissage. "Je rencontre des problèmes pour lire, plus précisément j’inverse le 'b' et le 'd'. J’ai aussi du mal à écrire et je fais beaucoup de fautes d’orthographe. Lorsque je dois effectuer des calculs mentaux, mon cerveau utilise les mauvais raccourcis. Résultat : il m’est compliqué de résoudre des problèmes mathématiques", explique le patient âgé de 28 ans.
Dyslexie : "le diagnostic a été posé" au CP
Le Toulousain a découvert assez jeune qu’il souffrait de troubles "dys". "Au CP, j’étais confronté à des difficultés scolaires. Les enseignants ont ainsi conseillé à mes parents de se rendre chez un orthophoniste pour pouvoir faire un bilan. Lors de la consultation, le diagnostic a été posé rapidement", se souvient l’architecte logiciel. Dans son cas, l’origine héréditaire du trouble n’a pas été prouvée. "Une de mes cousines est dyslexique, mais mes parents et ma sœur ne le sont pas".
Après cette annonce, son père et sa mère se sont battus pour qu’il puisse bénéficier d’une prise en charge complète au cours de sa scolarité. "Ils voulaient que tous les aménagements soient mis en place. Par exemple, j’ai pu obtenir le tiers temps durant les examens et j’ai eu le droit d’avoir des photocopies des cours. Lors des épreuves officielles, comme le brevet ou le bac, j’étais accompagné d’un secrétaire scripteur. Je lui dictais ce qu’il devait écrire. À la fac, je disposais d’un ordinateur, uniquement pour le traitement de texte, afin d’être plus autonome", détaille Benoît Jurado.
"J’ai été victime de moqueries, car les enfants ont vu que j’étais différent"
Ces divers aides et aménagements lui ont permis de devenir rapidement indépendant. Mais ils ont aussi eu un impact sur ses liens avec ses camarades de classe. "En primaire, j’ai été victime de moqueries, car les enfants ont vu que j’étais différent. Au collège, certains pensaient qu’il y avait du favoritisme. À cette période, j’ai souffert du décalage avec les autres collégiens, par exemple le fait que j’avais moins de capacités", raconte le travailleur indépendant.
Durant sept ans, le jeune patient a été suivi par plusieurs orthophonistes, ce qui lui a permis de "corriger" sa dyslexie. "J’ai consulté une psychomotricienne pendant peu de temps. J’ai arrêté, car elle ne pouvait pas agir sur la dysgraphie et les séances n’étaient pas remboursées." Il déplore le fait que les consultations chez l’ergothérapeute, le psychologue ou encore le neuropsychologue ne soient pas prises en charge. "Il est important de bien s’entourer lorsque l’on souffre de troubles dys, mais cela a un coût", indique le vingtenaire.
Dyslexie : "certains de nos amis pensent que l’on ne fait pas d’efforts"
Après avoir fait un master en informatique dans une école privée, Benoît Jurado a fait ses premiers pas dans le monde du travail. "Quand je postulais, je ne mentais pas. Je n’ai jamais caché ma dyslexie. Lors des entretiens, j’expliquais qu’il fallait me relire et me corriger. En général, les entreprises sont compréhensives, car elles sont intéressées pour avoir des quotas, et elles tentent de mettre en place des aménagements", déclare le Toulousain, qui a obtenu la reconnaissance de son handicap auprès de la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH).
Avant de se mettre à son propre compte, on pouvait lui faire des réflexions sur ses fautes d’orthographe. "Une fois que l’on a expliqué à nos collègues que nous souffrons d’un handicap, ils comprennent. On doit aussi parfois se justifier auprès de notre entourage. Certains de nos amis pensent que l’on ne fait pas d’efforts, car en France, l’orthographe, c’est important d’un point de vue social", souligne l’architecte logiciel.
Malgré son handicap, il est fier d’être devenu un "professionnel accompli" et d’avoir créé son entreprise. "Peu de personnes pensaient que j’allais réussir. Tout au long de ma vie, j’ai saisi toutes les occasions qui se sont présentées. Les personnes souffrant de troubles dys doivent se rappeler que les résultats scolaires ne déterminent pas ce que l’on est dans la vie. Il ne faut pas abandonner et se battre pour faire ce que l’on a envie."