Alors que les frappes russes continuent en Ukraine et que les populations syriennes et turques sont confrontées aux conséquences d’un des plus violents tremblements de terre de leur histoire, de nombreux habitants vivent ce que les psychologues de la santé ont appelé le “coping”. Intimement lié à la notion d’adaptation, le coping, souvent traduit dans la littérature spécialisée par le terme français “ajustement”, désigne notre façon de “faire face”, en tant qu’humain, aux drames qui peuvent advenir, comme en temps de guerre ou de catastrophe naturelle. Cyril Tarquinio, professeur de psychologie clinique à l’université de Lorraine, revient sur ce concept dans un article de The Conversation.
“Schématiquement, il s’agit de la capacité à réagir aux stimulations externes et/ou internes, aux contraintes et aux conflits, en cherchant à réduire ou à éliminer leurs conséquences défavorables par des ajustements divers. La finalité est la survie, et la création d’un nouvel équilibre compatible avec cette survie”, explique-t-il.
Stress : quelles sont les différentes formes de coping ?
Dans le cadre d’une étude, des scientifiques ont demandé à 100 adultes, chaque mois, pendant un an, de noter un fait récent qui les avait perturbé et leurs réactions face à cette situation, en répondant à un questionnaire. Les résultats obtenus ont révélé qu’il existe deux formes principales de coping : le coping centré sur le problème et le coping centré sur l’émotion.
“Le coping ‘centré sur le problème’ désigne l’ensemble des efforts comportementaux et cognitifs que fait un individu afin de modifier la situation dans laquelle il se trouve. Cette forme comporte deux aspects : la confrontation à l’événement, qui se traduit par les efforts pour changer la situation, et la résolution du problème, qui se traduit par la recherche d’un ensemble de moyens – informations, aide – permettant d’y parvenir”, détaille le professeur de psychologie. Le coping centré sur l’émotion renvoie quant à lui à l’ensemble des efforts visant à atténuer et à supporter les états émotionnels déclenchés par la situation stressante. “Il existe de nombreuses expressions de cette forme de coping, dont la plupart consistent en des processus orientés vers l’action intrapsychique : évitement (on ne pense plus au problème), distraction, déni, dramatisation, etc.”, précise l’universitaire.
Parmi les stratégies d'évitement, on compte le détournement de l’attention de la source de stress, grâce au sport ou à la relaxation par exemple. Mais parfois, cela génère des comportements négatifs visant à fuir la détresse émotionnelle, comme la prise d’alcool ou de médicaments. “Coping centré sur le problème et coping centré sur l’émotion ne sont pas deux processus parfaitement séparés : dans une situation donnée, on peut utiliser tantôt l’un, tantôt l’autre, ou les deux ensembles”, ajoute le professeur.
Le coping émotionnel est plus associé aux troubles de stress post-traumatique
Plusieurs études, comme par exemple celle menée auprès des victimes de la fusillade de l’université Virginia Tech survenue en 2007 à Blacksburg, aux États-Unis, ont montré que les adultes souffrant d’un trouble de stress post-traumatique étaient nettement plus enclins que les autres à s’engager dans une démarche d’évitement ou de fuite, et donc de non-résolution de problème. “À l’inverse, les recherches récentes ont montré qu’un coping centré sur le problème réduit la tension subie par l’individu en éliminant (ou en atténuant) le stresseur. Les personnes qui ont recours à cette stratégie semblent moins susceptibles d’être sujettes à l’anxiété et la dépression”, explique Cyril Tarquinio.
“Pourtant, tout n’est pas si simple, car l’efficacité d’une stratégie de coping dépend aussi des caractéristiques de la situation, et notamment de sa durée, ou de la contrôlabilité du stresseur”, poursuit-il. En effet, selon le professeur, un tel effet s’inverse dans les situations incontrôlables : cette fois, les efforts répétés du sujet pour maîtriser la situation sont inutiles et épuisants.
“Dans ce cas, une stratégie émotionnelle évitante peut s’avérer plus adaptée, en particulier à court terme. Elle évite en effet d’être trop stressé et permet un travail psychique permettant progressivement d’évaluer la situation de façon plus réaliste et de mettre en place des stratégies d’affrontement. Elle protège l’estime de soi et permet de ne pas être submergé par la détresse”, souligne le Pr Tarquinio. “Il n’existe donc pas de stratégie de coping efficace en elle-même. L’efficacité de la stratégie mise en place dépend de certaines caractéristiques propres aux individus (capacités d’évaluation) et aux situations (durée, contrôlabilité)”, conclut-il.