Plus de 130 ans pour décrire finement un ligament du genou… c’est le temps qu’il a fallu pour dresser le portrait de cette partie de notre anatomie. Deux chirurgiens belges du CHU de Leuven (Belgique) viennent en effet de publier une étude dans le Journal of Anatomy sur le « ligament antérolatéral » qui semble lever le voile sur un mystère du corps humain.
Une partie du mystère avait été levée en 1879 par un médecin français. Paul Segond supposait alors l’existence d’un ligament supplémentaire dans le genou, plus précisément à l’avant de l’articulation. Il décrit dans un article « une bande fibreuse, nacrée et résistante ». Il faudra ensuite la fin des années 90 pour qu’une description un peu plus fine fasse l’objet de de publications. Mais la « bible » sur le ménisque publiée en 2010, « The meniscus », ne mentionne même pas l’existence de ce « ligament antérolatéral ». Le cours de l’histoire va s’accélérer quand le Pr Philippe Neyret du CHU de Lyon propose à des internes de se pencher sur cette « structure », comme disent les orthopédistes.
10 genoux de cadavres disséqués
Pour savoir s’il s’agissait d’un tendon, d’une capsule ou d’un ligament, où il s’insère dans le genou, et quels sont ses rapports avec le ménisque, « nous avons observé cette « structure » chez des patients opérés pour une prothèse de genou et nous avons disséqué dix genoux sur des cadavres, explique le Dr Jean-Philippe Vincent, chirurgien-orthopédiste à la clinique Océane à Vannes et auteur d’un mémoire sur le ligament antéro-latéral. « Mais, nous avons aussi fait un travail histologique (analyse en fines couches, NDLR) et ça, c’était la première fois. Cela permet de mieux comprendre son rôle, à la fois dans la stabilité du genou sur son versant externe, mais également dans la stabilité du ménisque externe, » précise le chirurgien français. Résultat : il s’agit bien d’un ligament qui relie « l’épicondyle latéral au plateau tibial externe, en passant en pont (mais en y adhérant) à la face externe du ménisque externe. »
Les deux médecins belges qui viennent de publier une étude ont eux disséqué 41 genoux. « Leurs travaux confirment l’emplacement précis de ce ligament, précise le Dr Jean-Philippe Vincent. Un emplacement qui a toute son importance puisqu’il permet d’expliquer la laxité de l’articulation après une rupture des ligaments croisés.
Un espoir pour les sportifs victimes de rupture des ligaments
« Nous pensons que c’est en partie ce ligament qui est fragilisé volontairement au cours d’une arthroplastie totale du genou, indique le Dr Vincent dans son mémoire. Nous recommandons donc, lors de telles interventions, de prêter attention à la préservation du ligament antérolatéral. » Or, la rupture des ligaments croisés est une blessure courante chez les athlètes qui pratiquent des sports sollicitant particulièrement les articulations (ski, basketball, football...). Les opérations réparatrices sont efficaces, mais certains patients continuent de souffrir d’une flexibilité excessive du genou. Il n’est pas rare que le genou « lâche » pendant une activité, sportive ou non. Ces travaux, français et belges, ouvrent donc des horizons à ces sportifs qui ont parfois dû ranger leurs crampons au vestiaire.