La coulrophobie, la peur des clowns, est un phénomène largement reconnu. Différentes études indiquent que cette peur est présente chez les adultes et les enfants dans de nombreuses cultures différentes. Pourtant, elle n'est pas encore bien comprise en raison d'un manque de recherche ciblée. En effet, alors que de nombreuses explications possibles de la phobie avaient été avancées dans la littérature académique, aucune étude n'avait spécifiquement étudié ses origines.
Les chercheurs en psychologie de l'université de South Wales (Pays de Galles) Philip Tyson, Sophie Scorey, James Greville et Shakiela Davies, ont donc voulu étudier les raisons de cette peur, ainsi que son incidence dans la population. Ils reviennent sur leur travaux, publiés en février 2023 dans la revue Frontiers in Psychology, dans un article pour The Conversation.
Les femmes ont plus peur des clowns que les hommes
Les chercheurs ont d’abord élaboré un questionnaire psychométrique permettant d'évaluer la prévalence et la sévérité de la coulrophobie. Le questionnaire sur la peur des clowns a été rempli par un échantillon international de 987 personnes âgées de 18 à 77 ans. Plus de la moitié des personnes interrogées (53,5 %) ont déclaré avoir peur des clowns au moins dans une certaine mesure, 5 % déclarant en avoir "extrêmement peur". Fait intéressant, ce pourcentage déclarant une peur extrême des clowns est légèrement supérieur à ceux rapportés pour de nombreuses autres phobies, telles que celle des animaux (3,8 %), du sang/des blessures (3,0 %), du vide (2,8 %), l'hydrophobie (la peur de l'eau) ou la phobie des événements météorologiques (2,3 %), la claustrophobie, la peur irrationnelle des espaces confinés (2,2 %) et l’aviophobie, la phobie de l’avion (1,3 %).
Les chercheurs ont également constaté que les femmes ont plus peur des clowns que les hommes. La raison de cette différence n'est pas claire, mais elle fait écho aux résultats de recherches sur d'autres phobies telles que la peur des serpents et des araignées. De plus, selon les chercheurs, la coulrophobie diminue avec l'âge, à l’instar, là aussi, d'autres phobies.
Quelle est l'origine de la phobie des clowns ?
Ensuite, les chercheurs ont exploré les origines de la peur envers les clowns. Un questionnaire de suivi a été remis aux 53,5 % qui avaient signalé au moins un certain degré de peur du clown. Cette nouvelle série de questions portait sur huit explications plausibles des origines de cette peur :
- Un sentiment étrange ou troublant dû au maquillage des clowns qui les fait paraître pas tout à fait humains.
- Les traits faciaux exagérés des clowns transmettent un sentiment direct de menace.
- Le maquillage de clown masque les signaux émotionnels et crée de l'incertitude.
- La couleur du maquillage de clown nous rappelle la mort, les blessures et le sang et nous pousse au dégoût ou à l’évitement.
- Le comportement imprévisible des clowns nous met mal à l'aise.
- La peur des clowns a été apprise des membres de la famille.
- Les représentations négatives des clowns dans la culture populaire.
- Une expérience personnelle effrayante avec un clown.
“Curieusement, nous avons trouvé que l'explication d'avoir eu une expérience personnelle effrayante avec un clown, avait le niveau d'accord le plus bas. Cela indique que l'expérience de vie seule n'est pas une explication suffisante pour expliquer pourquoi les gens ont peur d'eux”, écrivent les chercheurs.
En revanche, les représentations négatives des clowns dans la culture populaire étaient un facteur contributif beaucoup plus important à la coulrophobie. “Cela est compréhensible puisque certains des clowns les plus en vue dans les livres et les films sont conçus pour être effrayants, comme Pennywise, le clown effrayant du roman Ça de Stephen King en 1986”, précisent les chercheurs, alors que le roman a récemment été ré-adapté au cinéma en 2017 et en 2019.
Le maquillage cache les émotions des clowns, ce qui nous fait peur
Cependant, certaines personnes ont peur de clowns qui semblent plus inoffensifs, comme Ronald McDonald, la mascotte de la chaîne de fast-food américaine, qui n’est pourtant pas faite pour faire peur. “Cela suggère qu'il pourrait y avoir quelque chose de plus fondamental dans l'apparence des clowns qui dérange”, expliquent les chercheurs.
Le facteur le plus important qu’ils ont identifié est en réalité les signaux émotionnels cachés, suggérant que pour de nombreuses personnes, la peur des clowns découle du fait qu'ils ne peuvent pas voir leurs expressions faciales en raison de leur maquillage. “Nous ne pouvons pas voir leurs vrais visages et ne pouvons donc pas comprendre leur intention émotionnelle. Ainsi, par exemple, nous ne savons pas s'ils ont un froncement de sourcils ou un front plissé, ce qui indiquerait de la colère. Ne pas être capable de détecter ce qu'un clown pense ou ce qu'il pourrait faire rend certains d'entre nous nerveux quand nous sommes autour d'eux”, indiquent les chercheurs.