- Grâce à un stimulateur optique, les chercheurs ont augmenté artificiellement la fréquence cardiaque des souris jusqu'à 900 battements par minute.
- Lorsque les rongeurs se sont sentis en danger, l'accélération du rythme cardiaque les a rendus plus anxieux.
- Le cortex insulaire semble intégrer le rythme cardiaque à la perception du danger par le cerveau afin de déterminer la réaction émotionnelle appropriée.
C’est un phénomène physiologique naturel. L’anxiété survient "en réponse à un danger ou à un stress. Le fonctionnement de notre organisme se modifie, avec le plus souvent une accélération du rythme cardiaque, des troubles du sommeil, une augmentation de la transpiration et, parfois, des difficultés à respirer ou une mise en retrait", selon l’Inserm. Ce trouble n’est pas seulement lié à nos émotions, il serait sans doute créé par notre corps. C’est ce qu’ont révélé des chercheurs de l’université de Stanford (États-Unis) dans une étude parue dans la revue Nature.
"Les sensations corporelles suivent-elles les émotions ou l'inverse ?" C’est la question que se sont posés les scientifiques américains. Pour y répondre, Karl Deisseroth, docteur en médecine, professeur de bio-ingénierie, de psychiatrie et de sciences du comportement, a utilisé les dernières avancées en matière d'optogénétique, à savoir l’utilisation de la lumière pour activer des cellules spécifiques.
Anxiété : augmenter artificiellement le rythme cardiaque des souris
"Il y a quelques années, le laboratoire de Karl Deisseroth a découvert une opsine (une protéine) extra-sensible, appelée ChRmine, qui peut faire en sorte que même des cellules profondément enfouies dans le corps réagissent à la lumière provenant de l'extérieur", peut-on lire dans un communiqué de l’université. Dans le cadre de leurs travaux, l’équipe a modifié génétiquement les cardiomyocytes, soit les cellules responsables des contractions du cœur, des souris pour qu'ils produisent de la ChRmine. Cela leur a permis de contrôler avec précision le rythme cardiaque des rongeurs à l'aide d'une lumière externe.
Pour imiter le rythme cardiaque d'une souris nerveuse et craintive, les auteurs ont utilisé un stimulateur optique pour augmenter artificiellement leur fréquence cardiaque jusqu'à 900 battements par minute. Pour rappel, une souris calme a un rythme cardiaque d'environ 600 battements par minute. "Dans les faits, nous avons une souris qui se déplace librement et qui ne porte qu'un petit gilet. Nous avons pu fournir suffisamment de lumière à un grand organe en mouvement (le cœur qui bat) d'une manière non invasive, ce qui permet un comportement naturel", a expliqué Karl Deisseroth.
Au cours de cette expérience, les souris ne pouvaient pas exprimer leurs émotions et les chercheurs ont évalué leur anxiété en observant leur comportement. Une souris anxieuse est plus réticente à prendre des risques, elle est plus susceptible d'éviter les espaces ouverts et non protégés, par exemple.
Un rythme cardiaque élevé rend les souris plus prudentes face aux risques
Selon les résultats, une accélération du rythme cardiaque ne modifiait pas le comportement des souris. Lorsqu'elles avaient le choix de se déplacer dans deux chambres connectées, dont une dans laquelle le stimulateur cardiaque optique était activé pour augmenter la fréquence cardiaque, les souris ne montraient aucune préférence.
En revanche, lorsque les rongeurs ont suspecté un danger, l'accélération du rythme cardiaque les a rendus plus anxieux. Dans un espace ouvert, une fréquence cardiaque plus élevée les incitait à se coller plus près des murs. Et lorsqu'ils avaient la possibilité d'appuyer sur un bouton pour obtenir de l'eau, un rythme cardiaque plus élevé les rendait moins enclins à le faire si le bouton provoquait occasionnellement un choc mineur.
Cortex insulaire : "les neurones réagissaient aux variations de la fréquence cardiaque"
À l'aide d'une technique d'imagerie et de marquage de tissus intacts, les auteurs ont pu voir quelles zones du cerveau étaient impliquées dans l'interprétation des signaux cardiaques. Ils se sont concentrés sur le cortex insulaire. "Nous avons enregistré en direct cette partie du cerveau et nous avons vu que les neurones réagissaient spécifiquement aux variations de la fréquence cardiaque", a indiqué Karl Deisseroth.
Lorsque l’équipe a inhibé le cortex insulaire, le comportement anxieux généré par un cœur qui bat vite a presque disparu. "Cette zone est connue pour son rôle dans l'interception, c'est-à-dire la capacité à percevoir les états internes du corps, y compris le rythme cardiaque, la faim, la température et la douleur. Il pourrait donc jouer un rôle dans un large éventail d'états émotionnels", a conclu le chercheur.