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Système immunitaire

Cerveau : comment des bactéries peuvent l'empêcher de se défendre

Il existe des agents pathogènes bactériens capables de brouiller la communication entre les cellules nerveuses et immunitaires dans les méninges afin de s'en servir pour proliférer, ce qui entraîne de graves méningites.

Cerveau : comment des bactéries peuvent l'empêcher de se défendre Mohammed Haneefa Nizamudeen/iStock




L'ESSENTIEL
  • Une équipe de chercheurs américain a étudié une faille du système de défense du cerveau : les méninges (les membranes qui recouvrent le cerveau et la moelle épinière).
  • Ils ont découvert comment certaines bactéries arrivent à détourner à leur avantage la communication entre les fibres nerveuses et les cellules immunitaires des méninges.
  • Une fourberie qui leur permet de mettre hors service les défenses immunitaires de leur hôte afin de se multiplier, causant de sévères méningites.

Comment le cerveau se protège-t-il des agents pathogènes ? Son bouclier le plus connu est la “barrière hémato-encéphalique” : un système de vaisseaux sanguins renforcés de parois qui s’étend sur l’encéphale et empêche les corps étrangers d’y pénétrer, y compris les agents pathogènes et les bactéries. Cependant, ce barrage n’est pas invulnérable, notamment lors d’une blessure ou de maladies. Certains pathogènes, ou des cellules métastatiques, sont par exemple capables de s’y infiltrer.

Dans le cadre d’une nouvelle étude, publiée dans la revue Nature le 1er mars 2023 et relayée par Le Monde, une équipe de chercheurs américains s’est concentrée sur une autre faille du système de défense du cerveau : les méninges (les membranes qui recouvrent le cerveau et la moelle épinière). Les scientifiques ont découvert comment certaines bactéries arrivent à détourner à leur avantage le dialogue entre les fibres nerveuses et les cellules immunitaires des méninges. Une fourberie qui leur permet de mettre hors service les défenses immunitaires de leur hôte afin de se multiplier, causant de sévères méningites.

Méningite : 7 cas non traités sur 10 sont mortels

Plus de 1,2 million de cas par an de méningites bactériennes sont recensés dans le monde, d’après les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC). Dans l’Hexagone, “après plus de deux années de faible incidence, en lien avec les mesures mises en place pendant la pandémie de Covid-19, le nombre de cas d’infections invasives à méningocoque repart à la hausse depuis le mois d’octobre 2022”, indiquait Santé publique France, fin 2022. Quand elle n’est pas traitée, la méningite bactérienne peut être mortelle : sept personnes infectées sur dix y succombent. Et un cinquième des survivants conservera de graves séquelles par la suite, comme des maux de tête chroniques, une perte d’audition ou de vision, des crises d’épilepsie, etc.

“Jusqu’à peu, les méninges semblaient être des tissus inertes sans grand intérêt. Mais, il y a quelques années, plusieurs équipes dont la nôtre ont découvert qu’elles abritent une incroyable réserve de cellules immunitaires”, observe Réjane Rua, chercheuse au centre d’immunologie Marseille-Luminy, citée par Le Monde. Parmi celles-ci, les cellules que l’on appelle “macrophages” jouent un rôle important.

Comment les bactéries se jouent du système immunitaire cérébral

Une équipe de l’école de médecine de Harvard a expliqué l’ensemble du processus permettant à deux bactéries pathogènes de passer à travers les couches méningées pour aller infecter le cerveau, en se basant sur le modèle cérébral de la souris. Ces deux bactéries, la Streptococcus pneumoniae et Streptococcus agalactiae, sont les premières causes de méningite bactérienne chez l’humain. Les scientifiques se sont concentrés sur la zone des méninges la plus externe, qu’on appelle la dure-mère. On y trouve une armée de cellules immunitaires, mais aussi des neurones de la douleur qui ont notamment pour rôle de détecter la pression mécanique ou la présence de toxines.

Ils ont découvert que, chez la souris, ces deux bactéries diffusent une toxine, la “pneumolysine”, qui déclenche l'activation des neurones de la douleur, à l’origine des maux de tête aiguës de la méningite. Ces neurones libèrent alors un signal chimique appelé CGRP, “un neuropeptide connu pour jouer un rôle-clé dans la migraine”, précise Réjane Rua. Par la suite, le neuropeptide se lie à un récepteur nommé RAMP1, très présent à la surface des macrophages. “Le CGRP va neutraliser les macrophages, les empêchant d’appeler à la rescousse les autres cellules immunitaires en leur envoyant des signaux de détresse”, explique la chercheuse. En somme, ces bactéries détournent les neurones des méninges pour bloquer la réponse immunitaire et pouvoir proliférer tranquillement.

L'espoir d'un nouveau traitement contre la méningite ?

Les souris contaminées qui n’avaient pas de neurones de la douleur ont subi des infections cérébrales moins sévères. Leurs méninges faisaient état de niveaux de CGRP à peine identifiables, mais avaient des taux élevés de cellules immunitaires prêtes à affronter les bactéries. Cependant, les méninges des souris aux neurones de la douleur encore intacts montraient des niveaux élevés de CGRP, mais beaucoup moins de macrophages activés.

Les chercheurs ont injecté de manière préventive aux souris une substance qui entrave le récepteur RAMP1. Une fois contaminés, les scientifiques ont remarqué que les rongeurs présentaient des niveaux de bactéries moins forts dans les méninges. Et si les souris étaient traitées par cette molécule plusieurs heures après l’infection et plus souvent ensuite, elles présentaient des infections moins sévères.

Ces composés, capables de bloquer le CGRP ou le récepteur RAMP1 et de traiter les premières étapes critiques des méningites bactériennes, peuvent-ils susciter l’espoir d’un nouveau traitement ? Alors que les antibiotiques sont incapables de freiner l’infection quand ils sont administrés trop tard et que les stéroïdes, qui enrayent l’inflammation, peuvent être néfastes pour le cerveau et affaiblir les défenses de l’organisme, la recherche sur le sujet vaut en tout cas la peine d’être approfondie. D’autant que ces composés sont déjà présents dans des traitements communs contre la migraine.

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