- Pourquoi docteur : Une femme sur 10 est touchée par l’endométriose. Existe-t-il un âge précis ou une période de la vie durant laquelle débute la maladie ?
Julien Niro : Les symptômes peuvent apparaître à l’adolescence avec l’arrivée des premières règles. Dans ce cas, on sait que les dysménorrhées sont importantes et que la patiente a été mise sous pilule dans un but antalgique pour soulager les douleurs. Dans d’autres formes, il y a des modulations d’intensité qui peuvent se présenter dans un second temps. En clair, au début, la femme a des douleurs tolérables, puis au bout d’un moment, ces manifestations augmentent à partir d’un moment de sa vie que l’on n’explique pas forcément.
Endométriose : "c’est probablement une exposition à certains perturbateurs endocriniens qui provoque le développement"
Avez-vous remarqué un profil particulier chez les patientes qui présentent une endométriose ?
Non, il n’y pas de type particulier de personnes. On sait qu’il y a un faisceau de gènes qui est touché chez les patientes, mais il n’est pas déterminé par un phénotype particulier. C’est probablement une exposition à certains perturbateurs endocriniens qui provoque une modulation des gènes et le développement de l’endométriose.
Selon une théorie, l’endomètre contenu dans l’utérus va refluer par les trompes et se poser dans le ventre. Au moment des règles, toutes les femmes ont un peu de sang dans leur ventre. La plupart d’entre elles parviennent à le nettoyer, mais les patientes atteintes de cette pathologie n’ont pas cette capacité. Ainsi, les lésions restent en place et peuvent se développer.
Quels sont les symptômes de l’endométriose qui doivent alerter et sont souvent invalidants ?
Julien Niro : Cette maladie marque la vie des femmes. Elle se manifeste le plus souvent par des douleurs pendant les règles, les rapports sexuels et des douleurs chroniques en dehors des menstruations et des rapports. Les patientes peuvent également présenter des symptômes urinaires, c’est-à-dire des mictions douloureuses durant les règles ou des difficultés à la vidange vésicale, mais aussi des douleurs à la défécation.
Dans le cadre d’une endométriose, des douleurs de sciatique peuvent aussi survenir pendant les règles. La lésion, qui est à côté du nerf, va saigner, gonfler pendant les menstruations et irriter le nerf. Il arrive souvent que des femmes présentent des douleurs qui descendent dans la fesse. Parfois, elles peuvent devenir permanentes, mais dans ce cas, ce sont des formes très avancées de la maladie et c’est un petit peu plus complexe. Dernier symptôme très fréquent mais qui n’est pas diagnostiquée de manière évidente : l’infertilité.
"Pour certaines formes, l’endométriose s’améliore avec la survenue d’une grossesse"
Quels sont les risques en l’absence de diagnostic ?
Il existe plusieurs formes d’endométriose. Cette pathologie peut être peu ou très symptomatique. Contrairement à ce que l’on pense, l’étendue des lésions n’est pas forcément liée à l’intensité des symptômes. Certaines femmes ont très mal alors qu’elles ont des formes plutôt superficielles. D’autres patientes présentent peu, voire pas du tout, de douleurs, mais souffrent d’une forme assez avancée de la maladie.
Cette affection est hormonodépendante donc théoriquement dans le temps, puisqu’elle est stimulée par le cycle des règles, les lésions d’endométriose peuvent potentiellement grossir, mais elles peuvent parfois rester stables. Pour certaines formes, l’endométriose s’améliore avec la survenue d’une grossesse.
Actuellement, le retard diagnostique lié à l’endométriose est estimé à environ 7 ans. Mais quels examens peuvent favoriser son dépistage précoce ?
Jusqu’à présent, il n’existe pas d’examens de dépistage. Tout repose sur l’interrogatoire. Il convient d’évoquer une endométriose si les jeunes femmes ont des dysménorrhées qui les empêchent d’aller à l’école ou au travail ou si elles souffrent de douleurs durant leurs rapports sexuels, à la miction et à la défécation.
Chez les adolescentes, le dépistage doit se faire autour des douleurs durant les règles, leur intensité et le handicap social qu’elles induisent. Ce ne sera pas forcément une endométriose, mais il faut prendre en compte ses symptômes pour pouvoir mettre en place un traitement qui visera à les soulager.
Avec l’arrivée des tests salivaires, dont on commence à parler, on a un espoir de dépistage. En clair, on va pouvoir identifier, dans la population, les patientes qui vont probablement développer une endométriose. Pour l’heure, ce n’est encore répandu et rien n’est organisé, mais ça reste un bon espoir.
Endométriose : il est possible de "détecter certaines lésions uniquement en utilisant un spéculum"
Comment établir un diagnostic précis ?
Les examens effectués pour établir le diagnostic sont l’échographie et l’examen clinique. On a la capacité de détecter certaines lésions uniquement en utilisant un spéculum. Si la maladie est à un stade avancé, il est possible de voir les lésions qui ont envahi le vagin. Pour d’autres formes plus légères, on peut arriver à palper les lésions au niveau du fond du vagin lorsqu’il y a un kyste ou un nodule, à savoir une boule de chair, qui s’est constitué et peut déclencher une douleur à l’examen.
Malgré les examens, l’endométriose peut-elle passer inaperçue ?
Hélas, oui. La première raison : certaines formes sont superficielles, c’est-à-dire qu’elle touche l’enveloppe abdomino-pelvienne appelée "péritoine" (une couche très mince), les lésions sont donc réparties et peu épaissies. Souvent, on identifie uniquement des signes indirects. Seuls les radiologues experts arrivent à les voir et à détecter une endométriose très fine. Pour l’IRM, c’est pareil. La lecture de ces examens radiologiques peut être parfois difficile. C’est pour cela que l’on utilise des examens de "première ligne" pour dépister la maladie. Si on voit ensuite des symptômes en faveur d’une endométriose profonde, c’est-à-dire qui touche d’autres organes, il faut passer à des examens de "deuxième ligne", qui sont réalisés par des référents et des experts en radiologie.