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Perturbateurs endocriniens

Jouets en plastique : une alternative aux phtalates nuirait au cerveau

Par Mégane Fleury

Le citrate d’acétyl tributyle est un composé chimique utilisé en alternative aux phtalates, des perturbateurs endocriniens : une nouvelle étude montre qu’il est lui aussi dangereux pour la santé, et notamment le cerveau.

santypan/istock
L’ATBC est utilisé dans la fabrication de jouets en plastique, comme une alternative aux phtalates, dangereux pour la santé.
Une nouvelle étude montre que ce matériau peut interférer avec la croissance des neurones.
Or, l’Anses affirmait qu’il ne présentait pas de risque sanitaire en 2016.

Les phtalates sont partout. Ces substances chimiques sont aussi bien présentes dans les jouets pour enfants que dans les emballages alimentaires ou dans les sols en vinyle, et même dans certains cosmétiques. Plusieurs recherches sur des animaux ont démontré qu'ils sont des perturbateurs endocriniens et qu’ils peuvent nuire à la fonction reproductive et au développement du fœtus. Ainsi, les industriels ont créé de nouveaux matériaux pour les remplacer. Mais selon une nouvelle étude, présentée lors du Congrès annuel de la Société américaine pour la biochimie et la biologie moléculaire, l’un d'entre eux serait lui aussi dangereux pour la santé. Le citrate d’acétyl tributyle (ATBC) aurait des conséquences sur la croissance des neurones. 

Les alternatives aux phtalates ne sont pas forcément plus sûres 

"Dans le passé, les industries se sont rapidement éloignées de l'utilisation de produits chimiques toxiques pour fabriquer un produit chimique tout aussi toxique, c'est quelque chose que nous essayons activement d'éviter de répéter", explique Kyle Sease, co-auteur de cette recherche. Le citrate d’acétyl tributyle est utilisé aujourd’hui en alternative aux phtalates dans la fabrication de jouets ou dans les emballages alimentaires. L’équipe scientifique a donc cultivé des cellules, similaires aux cellules gliales qui protègent les neurones, en laboratoire. Grâce à différentes méthodes de recherche moléculaire, ils ont observé les effets de l’ATBC et d’autres produits utilisés en alternative aux phtalates sur ces cellules. D’après leurs conclusions, les cellules cérébrales exposées à l'ATBC augmentaient leur expression de deux gènes associés au stress cellulaire (appelés Nrf2 et p53) et accentuaient également leur production d'une enzyme associée à la sénescence cellulaire (B-galactosidase), qui peut entraîner l'arrêt de la croissance des cellules et bloquer leur division.  

ATBC : d'autres études nécessaires pour mieux comprendre les effets de ce produit chimique 

"Les résultats suggèrent que l'ATBC pourrait interférer avec la capacité des cellules gliales à se régénérer, ce qui peut réduire leur capacité à protéger les cellules neurales et entraîner une neurodégénérescence et un vieillissement accéléré, concluent les auteurs dans un communiqué. Il est également possible que l'exposition à l'ATBC au cours du développement précoce - lorsque les neurones se développent et se divisent activement - puisse affecter directement les neurones et interférer avec le développement du cerveau." 

Les scientifiques américains rappellent aussi que les neurones ne peuvent pas repousser lorsqu’ils sont endommagés : ces effets seraient donc permanents. "Nous pensons que cette découverte justifie des tests supplémentaires sur l’ATBC à différentes doses, dans différents contextes et dans des modèles d'organismes entiers", précisent-ils. Deux autres produits testés, le GPO et le DOA, n'ont pas montré les mêmes effets. D’après Kyle Sease, ces plastifiants ne semblent pas "affecter la division cellulaire dans ces cellules", il estime qu’une "meilleure compréhension des effets des différents plastifiants nous permettra de mieux comprendre comment en fabriquer des sûrs". 

ATBC : ces substituts aux phtalates ne présentent "pas de risque sanitaire", selon l’Anses 

Ces résultats viennent contredire ceux d’une étude réalisée en 2016 par l’Agence de sécurité sanitaire (Anses), en France. Ses experts ont évalué les "les risques sanitaires liés aux substituts de ces substances (les phtalates ndlr) présents dans des jouets et équipements en matière plastique, destinés à des nourrissons et des enfants de moins de 3 ans". Ils ont testé les effets de cinq substituts, dont l’ATBC, en observant leur migration dans une substance similaire à la salive. Les experts avaient alors conclu : "les résultats de l’expertise de l’Anses ne mettent pas en évidence de risques sanitaires pour les enfants de moins de 3 ans". Cette nouvelle étude américaine pourrait donc remettre en cause ce que l'on pensait savoir sur les alternatives aux phtalates.