Le trouble bipolaire est une maladie psychiatrique chronique caractérisée par des troubles récurrents de l’humeur, alternant entre épisodes maniaques, hypomaniaques, dépressifs ou mixtes. Classé parmi les 10 pathologies les plus invalidantes selon l'Organisation mondiale de la santé, le trouble bipolaire débute généralement chez l'adolescent ou le jeune adulte. Il s’agit d’une maladie extrêmement complexe avec des causes multifactorielles, mais il semblerait qu’il existe une forte prédisposition familiale. Si la littérature scientifique évoque entre 8 et 10 ans pour diagnostiquer un trouble de la bipolarité, certains témoignages évoquent une errance diagnostique qui peut durer plus d’une dizaine d'années.
À l’occasion de la journée mondiale du trouble bipolaire, ce jeudi 30 mars 2023, l’association Bipolarité France et ses partenaires publient les résultats d’une enquête sur les troubles bipolaires visant à récolter un ensemble de données permettant de mieux comprendre l’importance du diagnostic. Pour cette enquête, menée en ligne du 20 décembre 2022 au 19 février 2023 sur le site de l’association Bipolarité France, 1.204 personnes diagnostiquées pour un trouble bipolaire ont répondu à 20 questions.
1/5 des interrogés ont un diagnostic plus de 15 ans après les 1ers symptômes
Selon les résultats, 19 % évoquent une apparition des premiers symptômes avant 15 ans, 32 % entre 15 et 20 ans, et 17 % entre 21 et 25 ans. À ce jour, il n’existe pas d’outil d’évaluation objectif pour le diagnostic du trouble de la bipolarité. Le diagnostic du trouble bipolaire repose uniquement sur un examen clinique psychiatrique du patient, réalisé par un médecin spécialiste à l’aide de questionnaires et de diverses échelles validées.
À partir des symptômes rapportés et des signes observés, le médecin peut poser le diagnostic. Ce processus est généralement long et complexe : il aura fallu entre 2 et 5 ans pour obtenir la confirmation du diagnostic pour 50 % des personnes interrogées, 5 à 10 ans pour 18 %, 10 à 15 ans pour 11 %. Pour 20 % des répondants, le diagnostic aura été confirmé plus de 15 ans après l’apparition des premiers symptômes.
Bipolarité : une confusion récurrente avec la dépression
Si le trouble de la bipolarité est si difficile à diagnostiquer, c’est parce qu’il est souvent confondu avec la dépression. Beaucoup de patients consultent en phase dépressive (c’est souvent le symptôme qui s’exprime en premier lieu) : plus d’un tiers (37 %) des répondants évoquent la présence unique d’épisodes dépressifs (sans épisodes maniaques) comme cause principale du retard de diagnostic.
D’autres raisons expliquent également la difficulté du diagnostic : le début des états maniaques peut ne pas être alarmant au premier abord ; il peut y avoir une confusion avec la schizophrénie ; l’abus de toxiques peut masquer d’autres symptômes ; et les variations de l’humeur à l’adolescence peuvent être perçues comme normales et/ou transitoires.
“Aujourd’hui, il y a urgence à poser un diagnostic rapidement car la personne avec un mauvais diagnostic peut recevoir un traitement inapproprié qui ne soulagera pas ses symptômes, et pourra même aggraver son état de santé physique et mental. Les pathologies de bipolarité et de dépression ne répondant pas aux mêmes traitements, le mauvais diagnostic peut aussi favoriser les comportements à risque (abus d’alcool et d’autres substances par exemple) et augmenter le risque de suicide”, alerte l’association Bipolarité France.
Le retard de diagnostic a des conséquences lourdes sur la vie des bipolaires
En effet, les répondants sont catégoriques : le retard de diagnostic a eu des conséquences lourdes sur leur vie, et particulièrement au niveau des relations. 72 % des répondants affirment que le retard de diagnostic a affecté leur santé mentale, suivi de près par des pensées suicidaires pour 61 % d'entre eux. 44 % ont perdu leur emploi ou abandonné leurs études et plus d'un tiers ont fait une tentative de suicide (36 %).
Les répondants ont également été interrogés sur les événements qui auraient été, selon eux, déclencheurs des premiers symptômes. Si, sans surprise, un traumatisme serait déclencheur chez 39 % des personnes interrogées, d’autres évoquent l’arrivée d’un enfant (9 %), de mauvaises conditions de travail (19 %), une période d’examen (13 %), un départ du domicile familial pour les études (11 %), ou même encore un déménagement (10 %). “Ces données nous montrent qu’en fonction de l’état émotionnel de la personne, un événement qui peut sembler au premier abord assez 'classique' dans une vie, peut en réalité provoquer des conséquences dramatiques et être potentiellement déclencheur d’un trouble mental, en l'occurrence du trouble bipolaire. Elles démontrent également qu’un changement de vie, quel qu’il soit, n’est pas à prendre à la légère et que le moindre dérèglement de l’humeur doit alerter”, souligne l’association.
Trouble bipolaire : 10 recommandations pour réduire le temps de diagnostic
En complément des résultats de l'enquête, l’association Bipolarité France et ses partenaires ont émis 10 recommandations pour le court, le moyen et le long terme afin de réduire le temps de diagnostic et améliorer la prise en charge :
1. Sensibiliser le grand public au trouble bipolaire.
2. Soutenir l’innovation au service des patients.
3. Augmenter le nombre d’heures de formation dédiées à la santé mentale et au diagnostic des pathologies mentales dans le cadre des formations initiales et continues obligatoires des professionnels de santé.
4. Redonner goût à la psychiatrie.
5. Encourager la psychiatrie de précision.
6. Sensibiliser les médecins généralistes aux enjeux de la symptomatologie du trouble bipolaire, difficile à différencier de la dépression, ainsi qu’à l’enjeu du diagnostic précoce pour la santé mentale et physique de leurs patients.
7. Créer un véritable écosystème autour des troubles bipolaires.
8. Former l’entourage pour qu’il puisse mieux accompagner et soutenir.
9. Démocratiser l’utilisation du digital en psychiatrie.
@pourquoidocteur Ibtissam, étudiante de 23 ans, a appris qu’elle était atteinte de troubles bipolaires en octobre dernier. Elle raconte son vécu, marqué par un yoyo permanent entre sentiment de toute puissance, extrême colère, dépression et pensées suicidaires, où elle s’est parfois mise en danger. #bipolaire #bipolarité #troublebipolaire #santémentale #santé #interview #patient #psychiatrie #type2 ♬ son original - pourquoidocteur