- Après la prise en compte des biais des études, l'apparence des avantages d'une consommation modérée d'alcool diminue considérablement, voire disparaît.
- Ni les buveurs occasionnels (moins de 1,3 gramme d'alcool ou un verre toutes les deux semaines) ni les buveurs à faible volume (jusqu'à 24 grammes par jour ou près de deux verres) n'ont un risque significativement réduit de mourir prématurément.
- Au contraire, la consommation d'alcool a été liée à au moins 22 causes spécifiques de décès.
Par le passé, des dizaines d'études ont prétendument montré qu'un verre de vin ou une chope de bière par jour pouvait réduire votre risque de maladie cardiaque et de décès. Mais ces études sont imparfaites, comme l’affirme une nouvelle revue d’études publiée en ligne le 31 mars dans JAMA Network Open, et les avantages potentiels pour la santé d'une consommation modérée d'alcool disparaissent lorsque certains défauts et biais sont pris en compte.
Au mieux, un verre ou deux par jour n'a aucun effet bon ou mauvais sur la santé d'une personne, tandis que trois verres ou plus par jour augmentent considérablement le risque de décès prématuré, rapportent les chercheurs.
Beaucoup de confusions et de biais dans les études sur l'alcool
"Une consommation faible ou modérée est à peu près définie entre un verre par semaine et deux verres par jour. C'est la quantité d'alcool que de nombreuses études, si vous les regardez sans esprit critique, suggèrent pour réduire votre risque de mourir prématurément", a déclaré dans un communiqué le co-auteur de la revue d’études, Tim Stockwell, ancien directeur de l'Institut canadien de recherche sur l'usage de substances à l'université de Victoria en Colombie-Britannique (Canada). Mais après ajustement par rapport aux défauts et aux biais des études, "l'apparence des avantages d'une consommation modérée d'alcool diminue considérablement et, dans certains cas, disparaît complètement", ajoute-t-il Tim.
Pour cette revue d’étude, appelée aussi méta-analyse, Tim Stockwell et ses collègues ont analysé les résultats de 107 études précédentes qui ont évalué la relation entre la consommation d'alcool et la mort. Ces études ont inclus près de 5 millions de participants issus de plusieurs pays. "Il y a beaucoup de confusion et de biais dans ces études, et notre analyse l'illustre", explique le chercheur canadien.
Par exemple, de nombreuses études ont tendance à placer les anciens buveurs dans le même groupe que les abstinents à vie, les qualifiant tous de "non-buveurs", précise Tim Stockwell. Mais les anciens buveurs ont généralement abandonné ou réduit leur consommation d'alcool en raison de problèmes de santé.
Le "biais de l'ancien buveur"
Pour cette nouvelle analyse, Stockwell et ses collègues ont regroupé les données, puis effectué des ajustements qui ont pris en compte des problèmes tels que le "biais de l'ancien buveur". Leurs résultats révèlent que les anciens buveurs ont en fait un risque de décès 22 % plus élevé que les abstinents. Leur présence dans le groupe des "non-buveurs" biaise les résultats, créant l'illusion qu'une consommation quotidienne légère est saine.
Les données ajustées combinées des études ont montré que ni les buveurs occasionnels (moins de 1,3 gramme d'alcool ou un verre toutes les deux semaines) ni les buveurs à faible volume (jusqu'à 24 grammes par jour ou près de deux verres) n'avaient un risque significativement réduit de mourir prématurément.
Les chercheurs ont constaté une augmentation légère, mais non significative, du risque de décès chez ceux qui buvaient 25 à 44 grammes par jour, environ trois verres. Et il y avait un risque de décès significativement accru pour les personnes qui buvaient 45 grammes d'alcool ou plus par jour. Le risque le plus élevé concernait les personnes qui buvaient 65 grammes d'alcool ou plus par jour, ou plus de quatre verres. Leur risque de décès était d'environ 35 % supérieur à celui des buveurs occasionnels.
Le risque de décès lié à l'alcool chez les femmes est plus élevé
L'analyse a également révélé que l'alcool a un effet plus dramatique à des quantités inférieures sur le risque de décès des femmes. Le risque accru de décès lié à l'alcool chez les femmes était systématiquement plus élevé que le risque chez les hommes. Par exemple, le risque accru de décès chez les femmes qui boivent 65 grammes ou plus par jour était de 61 %, soit près du double de celui des hommes qui en boivent autant.
"Les femmes métabolisent l'alcool différemment des hommes en raison de facteurs biologiques. Même en buvant la même quantité d'alcool, les femmes auront un taux d'alcoolémie plus élevé, se sentiront intoxiquées plus rapidement et mettront plus de temps à le métaboliser", note Pat Aussem, spécialiste des addictions.
La consommation d'alcool a été liée à au moins 22 causes spécifiques de décès, souligne Tim Stockwell. Elle augmente le risque de maladie du foie, de certains cancers, d'accident vasculaire cérébral et de maladie cardiaque et contribue également aux décès par blessures résultant d'accidents de voiture, d'homicides et de suicides.
Voici vos risques en fonction de la quantité d'alcool que vous buvez
La recherche a établi un "continuum de risque" associé à la consommation hebdomadaire d'alcool, où le risque de préjudice est :
- 2 verres standards ou moins par semaine - Vous êtes susceptible d'éviter les conséquences liées à l'alcool pour vous-même ou pour les autres à ce niveau.
- 3 à 6 verres standards par semaine - Votre risque de développer plusieurs types de cancer, y compris le cancer du sein et du côlon, augmente à ce niveau.
- 7 verres standards ou plus par semaine - Votre risque de maladie cardiaque ou d'accident vasculaire cérébral augmente considérablement à ce niveau.
"Chaque verre standard supplémentaire augmente radicalement le risque de conséquences liées à l'alcool. Ces risques augmentent parallèlement à la consommation car il est plus difficile de réparer les dommages causés aux tissus cellulaires du corps et du cerveau", a déclaré Pat Aussem. "En d’autres termes, moins c'est mieux”, ajoute-t-elle.
Les chercheurs ont souligné certaines limites à leur travail. La mesure de la consommation d'alcool était imparfaite dans la plupart des études, ont-ils déclaré, et la consommation d'alcool autodéclarée était probablement sous-déclarée dans de nombreux cas. Selon eux, les études feraient également mieux d'utiliser les buveurs occasionnels comme groupe de référence, car ils ont tendance à avoir des caractéristiques de santé plus "normales" que les abstinents.