La peur est un phénomène naturel : à l’origine, elle servait à se protéger de dangers mortels. Si nos raisons d’être apeuré ont évolué, les mécanismes cérébraux en jeu restent les mêmes. C’est ce qu’explique Ana Margarida Pinto, doctorante à l’ENS - PSL dans un article paru dans The Conversation.
"Les avancées technologiques en neurosciences permettent aujourd’hui d’explorer comment le cerveau crée des états de peur et de défense", explique-t-elle en préambule. Des recherches réalisées sur les cerveaux d’organismes vivants ont permis de découvrir de nouvelles zones du cerveau impliquées dans les processus cognitifs liés à la peur et des mécanismes neuronaux qui "régissent notre mémoire de la peur', c’est-à-dire le fait de se souvenir d’événements liés à la peur qui se sont produits dans le passé".
Cerveau : trois zones sont liées à la peur
Trois zones cérébrales sont principalement impliquées dans les mécanismes de la peur. D’abord l’amygdale, qui "joue un rôle prépondérant dans la perception des menaces", explique l’autrice. Elle reçoit les signaux qui permettent de les identifier puis déclenche le système nerveux sympathique, ce qui entraîne la libération de différentes hormones du stress, dont l’adrénaline. "Cela entraîne une série de réponses physiologiques, telles qu’une augmentation du rythme cardiaque, une respiration rapide et des sueurs, qui aident à préparer le corps à une action immédiate", développe Ana Margarida Pinto.
La deuxième zone liée à la peur est l’hippocampe. Cette région cérébrale contribue à la formation et à la récupération des souvenirs. "Lorsque nous rencontrons une situation similaire après coup, l’hippocampe récupère le souvenir stocké et nous aide à reconnaître la menace", ajoute-t-elle.
Enfin, le cortex préfrontal guide nos réponses en cas de menace. Cette zone du cerveau participe à la prise de décision et à la résolution de problème. "Dans les situations où la menace n’est pas immédiate ou dangereuse, le cortex préfrontal peut annuler la réponse de peur initiée par l’amygdale, nous permettant ainsi de rester calmes et rationnels", indique Ana Margarida Pinto.
Cerveau et peur : que nous apprennent les études sur les humains ?
Elle ajoute que des études sur les êtres humains ont permis de comprendre l’importance de chacune de ces zones dans le mécanisme de la peur. Certaines de ces études ont été réalisées chez des personnes ayant des lésions accidentelles du cerveau dans l’une ou l’autre de ces zones. Lorsqu’elles sont situées au niveau de l’hippocampe, les personnes expriment quand même des réponses défensives car celles-ci nécessitent l’intervention de plusieurs endroits du cerveau. "En revanche, des lésions de l’amygdale perturbent la capacité à acquérir une réponse défensive, mais n’affectent pas la mémoire consciente", ajoute l’autrice.
Une meilleure compréhension de la peur grâce à l'étude des neurones
Récemment, les avancées technologiques ont permis de désactiver certains types de neurones et de comprendre ainsi le rôle spécifique de chacun d’eux. Ana Margarida Pinto et son équipe de l’Ecole Normale Supérieure de Paris ont ainsi découvert une nouvelle région cérébrale impliquée dans les mécanismes de la peur. "Il s’agit du 'noyau fastigial', une partie du cervelet, explique-t-elle. Ce dernier s’appelle ainsi car il possède grand nombre de neurones ('petit cerveau' en latin), et est une région récente d’intérêt dans les recherches sur la peur." Dans une expérience sur des souris, ils ont constaté que la communication entre le cortex préfrontal et le noyau fastigial est importante pour la régulation de l’extinction de la mémoire de la peur. "Ce n’est qu’une des nombreuses études récentes qui tirent parti des nouvelles technologies disponibles en neurosciences pour explorer la peur et le cerveau, conclut-elle. (…) Cela encouragera davantage de recherches sur de nouvelles approches thérapeutiques pour le traitement des troubles liés à la peur chez les humains."