- Une petite étude, menée sur deux nuits avec 38 volontaires, a montré que les personnes qui prenaient un somnifère avant de se coucher affichaient une baisse des niveaux de protéines Tau, connues pour favoriser l'apparition de la maladie d'Alzheimer.
- Le somnifère testé était du suvorexant. Ce produit inhibe l'action des neurotransmetteurs orexines qui jouent un rôle essentiel pour le maintien de l'éveil. Toutefois, il n'est pas en vente en France.
- Les chercheurs indiquent qu'il faut mener de nouvelles recherches pour confirmer leurs résultats et aboutir à une possible utilisation dans la prévention contre la maladie d'Alzheimer.
Le suvorexant, vendu sous la marque Belsomra dans plusieurs pays dont les USA et le Japon, est un somnifère d’une nouvelle classe. Il désactive l'éveil - en bloquant des neurotransmetteurs appelés orexines - plutôt que d'induire le sommeil. Toutefois, ce traitement, qui n’est pas disponible sur le marché français, pourrait avoir un champ d’action bien plus large que l’insomnie. Des chercheurs de l’école de médecine de l’université Washington (St. Louis, USA) ont découvert que les cachets entraînaient une baisse du taux de protéines Tau, élément clé de la maladie d’Alzheimer.
Le suvorexant lié à une baisse de la protéine Tau
Pour cette étude, parue dans Annals of Neurology le 20 avril 2023, les chercheurs ont réuni 38 participants âgés de 45 à 65 ans, sans trouble cognitif. Pendant deux jours successifs, les volontaires recevaient soit une dose faible (10 mg) de suvorexant, soit une plus élevée (20 mg), soit un placebo chaque soir à 21 heures. Une petite quantité de liquide céphalo-rachidien était prélevée par ponction lombaire toutes les deux heures durant 36 heures, en commençant une heure avant l'administration du traitement.
L’équipe a analysé les échantillons pour déterminer l’évolution des niveaux de protéines bêta-amyloïdes et Tau hyperphosphorylée pendant l'expérience.
Les taux de protéines bêta-amyloïdes des personnes ayant eu la dose la plus élevée de somnifère, ont chuté de 10 % à 20 % par rapport aux individus ayant eu le placebo. La baisse était de 10 % à 15 % pour la protéine Tau hyperphosphorylée. “Il n'y avait pas de différence significative entre les personnes ayant reçu une faible dose de suvorexant et celles ayant reçu le placebo”, précise le communiqué.
Vingt-quatre heures après la première prise du médicament, les protéines Tau hyperphosphorylée avaient augmenté tandis que les taux de bêta-amyloïdes restaient faibles pour le groupe ayant eu le traitement. La deuxième dose, administrée la seconde nuit, a fait reculer à nouveau les niveaux des deux protéines chez les personnes ayant eu 20 mg de suvorexant.
"Si nous pouvons réduire les protéines bêta-amyloïdes chaque jour, nous pensons que l'accumulation de plaques amyloïdes dans le cerveau diminuera avec le temps", a expliqué l'auteur principal Brendan Lucey. "La protéine Tau hyperphosphorylée joue un rôle important dans le développement de la maladie d'Alzheimer, car elle est associée à la formation d'enchevêtrements de protéines tau qui tuent les neurones. Si vous pouviez réduire la phosphorylation de tau, il y aurait potentiellement moins de formation d'enchevêtrements et moins de mort neuronale", rappelle l’expert.
Traitement contre Alzheimer : des études supplémentaires nécessaires
Si les résultats de l'étude américaine sont encourageants, les scientifiques déconseillent aux personnes craignant de développer la maladie d'Alzheimer de commencer à prendre du suvorexant tous les soirs. Ils rappellent qu’il s’agit d’un essai limité qui nécessite des recherches supplémentaires.
"Nous ne savons pas encore si l'utilisation à long terme est efficace pour conjurer le déclin cognitif, et si c'est le cas, à quelle dose et pour qui”, ajoute le chercheur Brendan Lucey. "Les études futures doivent amener les gens à prendre ces médicaments pendant des mois, au moins, et à mesurer l'effet sur l'amyloïde et la protéine Tau au fil du temps".
L’expert a bon espoir de parvenir à découvrir des médicaments contre le déclin cognitif qui tirent parti du lien entre le sommeil et la maladie d'Alzheimer. Toutefois à ce stade, "le meilleur conseil que je puisse vous donner est de passer une bonne nuit de sommeil si vous le pouvez. Et, si vous ne le pouvez pas, consultez un spécialiste et faites traiter vos problèmes de sommeil", reconnaît-il.