On estime que 25 à 30 % de la population est régulièrement sujette au mal des transports, appelé aussi “cinétose” . Un chiffre probablement sous-évalué, tant ce phénomène est mal compris, comme l’explique le chercheur allemand William Emond. Ce doctorant sur le thème de la réduction du mal des transports en voiture à l’université de Technologie de Belfort-Montbéliard, revient dans un article de The Conversation sur la question de savoir comment le mal de transport va s’accroître dans les prochaines années.
Qu'est-ce que le mal des transports ?
Le mal des transports est souvent résumé à des symptômes de malaise (nausée, sueurs, pâleur, hypothermie, maux de tête, vomissements…) alors qu’il peut aussi se manifester sous des formes plus légères comme la somnolence, l’apathie ou une diminution des capacités cognitives. 60 à 70 % des voyageurs l’expérimenteraient au moins une fois dans leur vie.
“C’est à bord des voitures qu’on en fait le plus fréquemment les frais. Les passagers y sont plus sensibles que le conducteur par manque d’anticipation des trajectoires. Les conflits entre les informations apportées par nos différents sens perturbant notre équilibre et les difficultés à ajuster notre posture pour nous y adapter sont les deux principales théories pour l’expliquer de façon générale”, précise le chercheur.
Voitures électriques : moins de repères et plus de mouvements brusques
Or, alors que l’industrie est en pleine métamorphose technologique, des bouleversements tels que l’électrification, la digitalisation et l’automatisation des véhicules apportent leur lot de bénéfices… comme de nouvelles problématiques. “Quelques-unes de ces évolutions risquent en l’occurrence de créer ou d’accentuer ce fameux déséquilibre ressenti et de limiter encore la capacité d’anticipation des usagers. De ce fait, elles amplifient le risque de ressentir plus souvent des symptômes de malaise”, indique William Emond.
L’électrification tout d’abord, réduit les repères du passager et accentue les mouvements brusques. “Un moteur électrique de voiture est plus linéaire et silencieux qu’un moteur thermique. Cet atout a un revers : il peut gêner les usagers dans leur capacité d’assimilation du mouvement du véhicule”, souligne le spécialiste.
“L’adoption du freinage régénératif (permettant de récupérer de l’autonomie électrique lors des décélérations) peut également être perturbante. Les décélérations induites par ce système, généralement de basse fréquence et parfois franches, peuvent être particulièrement déstabilisantes. Tout comme, inversement, les à-coups d’accélérateur, susceptibles d’induire des mouvements brusques en raison du couple élevé et disponible des ces moteurs”, ajoute-t-il.
Les risques d'une digitalisation de l’intérieur, avec plus de distractions
Autre avancée technologique à risque : la présence croissante des écrans, toujours plus grands et toujours plus nombreux, à l’intérieur des véhicules. Car au-delà de leur capacité technologique et leur attractivité aux yeux de l’utilisateur, ces écrans le "surchargent" d’informations visuelles.
“Leur omniprésence encourage la distraction, au risque là encore de créer un conflit entre les informations visuelles et inertielles sur le mouvement reçues par le corps. En se concentrant sur le contenu d’écrans, un passager restreint ses capacités à assimiler les ‘bons’ signaux visuels, qui lui permettent de percevoir correctement sa position et sa vitesse dans l’espace – à savoir la vue extérieure du véhicule. C’est la raison pour laquelle il est déconseillé de se concentrer sur un livre ou un écran lors d’un trajet mouvementé”, développe William Emond. Une tendance à la digitalisation qui devrait sans doute s’accentuer dans les prochaines années, avec des véhicules qui pourraient même associer des écrans aux fenêtres ou proposer l’intégration de réalité virtuelle.
Les effets de l'automatisation des véhicules
Enfin, dernier problème pour le futur : l’automatisation des véhicules. “La tâche de conduite, meilleur moyen d’anticiper les trajectoires et de limiter les symptômes, est vouée à disparaître sur le long terme”, poursuit le chercheur. Notre susceptibilité d’être sujet au mal des transports dépendant en partie de notre habitude à être simple passager, les conducteurs réguliers pourraient ainsi se découvrir sensibles à la cinétose au point d’être inaptes à voyager dans des véhicules hautement autonomes.”
De plus, avec la disparition du poste de conduite, les habitacles seront repensés pour devenir plus accueillants, à l’image de salons roulants. Ces nouvelles configurations offriront davantage de liberté aux passagers qui pourraient par exemple orienter leur siège dos à la route pour discuter avec d’autres occupants. “Or, dans l’inconscient collectif, s’asseoir dos à la route est associé à un risque accru de malaise. Bien que des expériences ont montré que cela ne fait aucune différence, cette idée peut constituer un biais psychologique facilitant l’apparition de symptômes”, remarque William Emond.