- Pourquoi Docteur : C’est aujourd’hui le 2 mai la journée mondiale de l’asthme. Quelle définition donner de cette maladie ?
Pr Pascal Chanez : L’asthme c’est le fait d’avoir les bronches chatouilleuses ! C’est comme la couleur des yeux, cela commence dans le ventre de la maman ! Cela concerne environ 20% des petits et 8 à 10% des adultes. Et cela peut apparaître à n’importe quel moment de la vie, le problème majeur étant qu’il peut y avoir de longues périodes durant lesquelles on n’est pas gêné : les gens croient qu’ils sont guéris et puis cela peut revenir après.
- Quels sont les mécanismes qui provoquent l’apparition de la maladie ?
Pr. P.Chanez : On connait bien les mécanismes de l’asthme. C’est l’inflammation et les remaniements structuraux des voies aériennes : il y a de l’inflammation dans le nez et dans les bronches et il y a des cellules épithéliales qui sont dysfonctionnelles. L’épithélium, c’est la peau des bronches qui est en contact avec l’environnement. Cela c’est le mécanisme et puis après il y a les agents favorisants qui sont susceptibles de provoquer des symptômes, soit de brève durée comme la toux ou la pesanteur thoracique, soit ce que l’on appelle des exacerbations, c’est-à-dire des cas où le patient ne peut plus faire face tout seul. Les gens sont alors obligés d’aller aux urgences ou de prendre de la cortisone par voie générale. Et les deux facteurs les plus importants de ces crises, c’est l’exposition aux allergènes ou aux virus hivernaux. C’est pour cela que les asthmatiques doivent se faire vacciner contre la grippe et contre la Covid-19
- Au-delà de ces précautions, quels sont les traitements de l’asthme ?
Pr. P.Chanez : La base du traitement, comme c’est une maladie inflammatoire, ce sont de petites doses de cortisone avec des bronchodilatateurs, cela fonctionne à la fois quand vous avez des symptômes et aussi pour les anticiper. Dans les formes les plus sévères, on a des biothérapies qui sont des thérapeutiques plus personnalisées, le plus souvent injectables, qui permettent de contrôler et d’améliorer l’état des asthmatiques les plus sévères. C'est utile à la fois sur le nez et les bronches.
- Ces biothérapies, comment agissent-elles ?
Pr. P.Chanez : Les petits soldats de l’inflammation, ce sont les cellules qu’on appelle les éosinophiles et ces cellules, elles ont une sorte d’engrais que sont les cytokines, des médiateurs, et un des médiateurs s’appelle l’interleukine 5 et on a des anticorps contre les engrais des éosinophiles. Avec les anti-IL5 les gens n’ont plus d’éosinophiles et ils n’ont plus de symptômes parce qu’il n’y a plus de petits soldats pour faire la guerre !
- Un Sondage IFOP réalisé pour Sanofi* montre que deux asthmatiques sur trois pratiquent une activité physique. C’est la bonne solution face à cette maladie ?
Pr. P.Chanez : Le sport c’est une excellente solution, pas pour ne pas être dérangé mais d’abord pour vivre bien parce que faire de l’activité physique, c’est génial ! Il n’y a que cela de vrai ! Moi-même, Je fais 10 000 kilomètres en vélo par an et quand je ne roule pas, je ne suis pas content ! Dans la vie courante, on n’utilise que 4 à 5% de nos capacités pulmonaires. Alors que lorsque l’on court, que l’on chante, que l’on joue d’un instrument à vent, parce que l’exercice physique ce n’est pas forcément du sport, vous vous apercevez comment cela fonctionnent, comment votre nez marche, comment vos bronches marchent et vous voyez à ce moment-là si cela fait apparaître des symptômes ou si au contraire vous pouvez passer à travers vos symptômes grâce à cette activité physique.
Et pour les adolescents, les jeunes, c’est aussi la reconnaissance que l’on peut être asthmatique et vivre normalement, faire les mêmes choses que les autres. J’ai des patients qui font des marathons ! Le fait d’avoir les bronches chatouilleuses cela ne vous ferme pas le sport de compétition.
- Quelles précautions les asthmatiques doivent malgré tout prendre pour profiter de la pratique d’une activité physique ?
Pr P.Chanez : Le problème c’est qu’il faut apprendre à se connaître. L’asthme d’exercice se produit lorsque l’on sollicite trop rapidement les bronches. Les médicaments - traitements de fond ou traitement des symptômes - doivent être utilisés en anticipation, ou en roue de secours.
- Ce sondage montre aussi que la pratique d’une activité physique est plus courante parmi les asthmatiques appartenant aux catégories les plus aisées. La prescription de cette activité physique par les médecins serait-elle en mesure de corriger ce déséquilibre ?
Pr. P.Chanez : La question n’est pas la prescription d’activité physique. Il faut savoir comment l’activité physique intervient dans la vie des gens. Ceux qui sont les plus aisés ont plus de facilité à rentrer dans un club sportif. La question c’est de trouver une stratégie au-delà de la prescription. Vous pouvez prescrire toute l’activité physique du monde, si les gens n’ont pas envie ils ne feront rien. Les asthmatiques sévères ont souvent entre 55 et 65 ans lorsque le diagnostic est établi. S’ils n’ont jamais fait d’activité physique, comment voulez-vous qu’ils reprennent une habitude qu’ils n’ont pas ? Il faut trouver quelque chose qui leur fait plaisir, qu’ils peuvent faire régulièrement et qui soit financièrement accessible.
- L’enquête de l’IFOP souligne par ailleurs l’impact négatif de l’asthme sur la vie sexuelle. Quelles stratégies peuvent permettre d’éviter les obstacles à une vie affective et sexuelle épanouie ?
Pr. P.Chanez : La sexualité regroupe deux mécanismes qui vont agir sur les bronches chatouilleuses : un c’est l’exercice physique, cela dépense beaucoup de calories, deux ce sont les émotions qui ont un effet importent sur l’apparition des symptômes d’asthme. Donc il faut que l’asthme au long cours soit le mieux contrôlé, que les traitements soient bien suivis et que les patients identifient les situations dans lesquelles ils doivent les utiliser soit en anticipation, soit en roue de secours
- L’asthme, pourra-t-on un jour en guérir ?
Pr. P.Chanez : Avec trois milliards d’euros dans la recherche, je réglerai avant ma mort le problème de l’asthme, notamment avec des techniques de re-programmation des cellules. A l’heure actuelle, le but du traitement est de contrôler les symptômes. Le futur, ce sera d’interférer avec l’apparition de la maladie et d'essayer de guérir les asthmatiques, on commence à en parler. Il y a déjà des traitements qui font que les patients n’ont plus de symptômes, plus d’exacerbations ni de recours urgent aux soins depuis de nombreuses années.
* Etude IFOP pour Sanofi réalisée en ligne du 17 au 29 mars 2023 auprès d'un échantillon représentatif de 5009 personnes âgées de 15 ans et plus incluant 1111 personnes affectées ou ayant été affectées par de l'asthme.