« Il y a urgence, l’une des avancées scientifiques majeures du 20e siècle est menacée si nous ne réagissons pas ». Marisol Touraine et Stéphane Le Foll, ministres de la Santé et de l’Agriculture ont annoncé, à l’occasion de la Journée européenne de sensibilisation au bon usage des antibiotiques, une série de mesures actées ou en projet pour lutter contre l’antibiorésistance. Pour éviter que les bactéries ne s’adaptent aux antibiotiques et y deviennent résistantes, ce qui pose de gros problèmes de prise en charge à l’hôpital et en médecine de ville, il faut que les bactéries ne soient mises en contact avec les antibiotiques qu’en cas de stricte nécessité.
1 médicament inutilisé sur 5 est un antibiotique
La ministre de la Santé a donc annoncé la création d’un référent sur les antibiotiques dans tous les établissements, y compris les maisons de retraite, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici. Elle souhaite également rendre l’utilisation des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) plus facile, dans les cabinets des médecins comme en pharmacie, pour qu’ils soient davantage utilisés pour confirmer si le recours aux antibiotiques est nécessaire.
Des recommandations sont en cours d’élaboration par la Haute autorité de santé concernant certains antibiotiques particulièrement générateurs de résistance pour lesquels les durées de prescription vont être réduites au strict minimum.
Après le succès du slogan « les antibiotiques, c’est pas automatique », l’Assurance Maladie lance également aujourd’hui une nouvelle campagne de sensibilisation des Français, principalement en direction des jeunes actifs et jeunes parents, gros consommateurs d’antibiotiques. « Un médicament remboursé sur deux n’est pas consommé et parmi ces médicaments dormants dans nos armoires à pharmacie, 20% sont des antibiotiques », a précisé Marisol Touraine. La ministre a souligné que la consommation d’antibiotiques des Français est en baisse mais reste encore de 30% supérieure à la moyenne européenne.
Plan de sauvetage pour les antibiotiques critiques
Parmi les antibiotiques, 3 classes sont considérées comme critiques, c’est à dire qu’il faut les préserver des résistances pour pouvoir y faire appel en dernier recours dans les situations graves. Il s’agit des fluoroquinolones, des céphalosporines de 3e et 4e génération et de l’association Amoxiciline-acide clavulanique, connue sous le nom d’Augmentin. Ces précieuses molécules feront donc partie des médicaments délivrés à l’unité dans les 200 à 300 pharmacies volontaires pour participer à l’expérimentation votée dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2014.
D’autres pistes sont envisagées pour « sauver » ces antibiotiques : encadrer davantage leur prescription en en réservant certains exclusivement à l’usage hospitalier ou en créant une ordonnance dédiée aux antibiotiques. Cette idée est plébiscitée par les spécialistes qui y voient une façon de responsabiliser les prescripteurs. Mais la mise en pratique paraît difficile. « Je ne suis pas certain que demander aux généralistes de faire 2 ordonnances différentes pour chaque patient à qui ils prescrivent un antibiotique et un autre médicament soit la solution la plus efficace, ni la plus consensuelle », a indiqué à PourquoiDocteur le Pr Dominique Maraninchi, directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll s’est également engagé à poursuivre la réduction de l’exposition des animaux aux antibiotiques, dans le cadre de la prochaine loi d’avenir sur l’agriculture attendue pour début 2014. « La France a fait de gros progrès ces 10 dernières années avec une réduction de l’ordre de 40% concernant les antibiotiques critiques en santé animale. Il faut aller plus loin et faire de la France un pays leader dans la lutte contre l’antibiorésistance », a annoncé le ministre.
Un statut pour encourager l’innovation
La ministre de la santé a également annoncé son intention de plaider au niveau européen pour un statut particulier des antibiotiques, inspiré de l’actuel statut des médicaments orphelins dans les maladies rares. Le but serait d’encourager les firmes pharmaceutiques à maintenir sur le marché de « vieux antibiotiques » devenus peu rentables et d’investir dans le développement de nouvelles molécules pour remplacer les antibiotiques devenus inefficaces du fait des résistances bactériennes.