La polémique du début de l’année sur les pilules de 3e et 4e générations avait déjà incité bon nombre de Françaises à changer de moyen de contraception. Des résultats présentés hier au Congrès américain d’ophtalmologie à La Nouvelle Orléans suscitent de nouvelles inquiétudes. Sur les 3406 femmes de plus de 40 ans participant à cette étude, les diagnostics de glaucome étaient 2,05 fois plus répandus parmi celles qui avaient pris un contraceptif oral pendant 3 ans et plus.
Le glaucome, principale cause de cécité chez l'adulte
Le glaucome est un trouble dégénératif du nerf optique qui affecte 1% des plus de 40 ans, soit près de 60 millions de personnes dans le monde. Il est causé par une pression intraoculaire liée à la présence d’une grande quantité de liquide, l’humeur aqueuse, entre la cornée et l’iris. Un traitement précoce permet de ralentir la destruction du nerf optique mais la maladie reste incurable et peut mener à terme jusqu’à la destruction complète du nerf optique. Le glaucome est donc l’une des principales causes de cécité chez l’adulte.
La base de données utilisée pour l’étude n’a pas permis aux chercheurs de l’Université de Californie de préciser si une génération de pilules contraceptives était particulièrement concernée. Elle ne met pas non plus en évidence de lien de causalité directe entre la prise de pilule et le développement du glaucome. Mais il s’agit de la 2e étude mettant en évidence un lien entre les deux phénomènes, après la Nurses Health Study en 2011 qui s’appuyait sur une cohorte de plus de 75 000 infirmières suivies pendant 25 ans.
Les pics d'oestrogènes protecteurs seraient annulés par la pilule
« Nous savons de longue date que des récepteurs aux oestrogènes sont présents sur les cellules endommagées par le glaucome. Il faut rester prudent mais il y a au moins une piste de mécanisme explicatif, confirmé par les modèles animaux », a expliqué le Pr Shan Lin, l'auteur de l’étude au micro de la webradio médicale internationale MDFM. Le fait de prendre la pilule supprime en effet les pics cycliques du taux d’oestrogènes, or cette hormone pourrait jouer un rôle protecteur pour la rétine. La prise de pilule pourrait donc agir contre ce facteur de protection naturel.
Dans l’attente d’études précisant ce mécanisme, les auteurs alertent leurs confrères ophtalmos pour qu’ils suivent de particulièrement près les premiers signes de glaucome chez leurs patientes ayant pris la pilule plus de 3ans. « Pour les gynécologues et les médecins qui prescrivent une contraception, notamment aux femmes qui ont déjà une histoire familiale de glaucome, il faut prendre en compte que la pilule est un facteur de risque supplémentaire », a précisé le Pr Shan Lin.