"Durant mon adolescence, j’avais des boules de graisse au niveau de mes poignets. À ce moment-là, je me disais que ce n’était rien d’inquiétant. Mais, quelque temps après, une éruption cutanée est apparue au même endroit, puis la peau de mon visage et ma poitrine ont été marquées par des plaques rouges", se souvient Johanna Clouscard, présidente de l’association Lupus France. Elle a décidé alors de consulter son médecin traitant et a été rapidement orientée vers divers spécialistes. À 19 ans, soit deux ans et demi après ses premiers symptômes, des praticiens lui ont annoncé qu’elle souffrait du lupus et lui ont prescrit de l’hydroxychloroquine "à vie".
"C’est une maladie auto-immune, qui touche entre 60.000 et 70.000 personnes et concerne, dans 90 % des cas, des femmes." En clair, son système immunitaire est déréglé et s’attaque à ses cellules. Le lupus évolue par des phases de poussées, provoquées par "le soleil, le stress ou la fatigue", et par des phases de rémission. Après avoir reçu son diagnostic, elle ne prenait pas cette pathologie au sérieux. "C’était difficile pour mes parents. Moi, j’étais jeune, je ne m’en rendais pas compte qu’il ne fallait pas prendre ça à la légère", raconte l’habitante de Gaillac, dans le Tarn, aujourd’hui âgée de 49 ans.
"J’avais l’impression qu’une personne me brûlait le visage et la poitrine au chalumeau"
Lors des consultations suivantes, les professionnels de santé ont voulu déterminer la cause de son lupus. "Deux pistes ont été avancées : le décès de mon grand-père ou une piqûre d’insecte survenue lorsque je ramassais des fruits durant un emploi saisonnier. Jusqu’à présent, on ne sait pas si le lupus a été déclenché par ce choc émotionnel ou par cette morsure", confie la patiente, qui travaille actuellement dans une épicerie de son village. Cependant, elle pense que la mort de son grand-père est l’un des principaux facteurs favorisant le lupus, une maladie qui "fonctionne beaucoup avec les émotions." "Je sais qu’en général, trois ou quatre jours après un décès, je vais avoir une poussée", ajoute Johanna Clouscard.
À 24 ans, elle prend conscience qu’il ne faut pas sous-estimer ce mal. "J’ai compris que ça devenait grave lorsque les médecins ont décelé un problème rénal. Mes reins ne filtraient plus mon sang comme ils le devaient et laissaient tout passer. De plus, j’avais des douleurs articulaires au niveau des genoux, des poignets et des coudes. En ce qui concerne les atteintes cutanées, j’avais l’impression qu’une personne me brûlait le visage et la poitrine au chalumeau. Mes symptômes étaient assez violents", détaille la quadragénaire.
Grossesse et lupus : "il faut attendre le feu vert d’un médecin"
Durant cette période de sa vie, la présidente de l’association commençait à envisager de fonder une famille. Mais en cas de lupus, une grossesse doit être planifiée et ne doit pas débuter avant une rémission datant de six à douze mois. "Attendre un enfant peut favoriser l’apparition d’une nouvelle poussée. Cette maladie augmente aussi les risques de fausse-couche, de pré-éclampsie ou de retard de croissance du fœtus. Donc, même si cela est délicat, il faut attendre le feu vert d’un médecin. Une fois que mes poussées et mon état de santé se sont stabilisés, il m’a donné son accord. On avait un an avec mon mari pour concevoir un enfant, car je ne pouvais pas arrêter mes traitements au-delà de ce délai", explique la Tarnaise à l’accent chantant.
Au bout de quelque temps, Johanna Clouscard est tombée enceinte. "Ça a été assez rapide. Ma grossesse a été surveillée de très près, car je souffrais d’hypertension. Après plusieurs mois, j’ai mis au monde ma fille, qui a actuellement 11 ans. À sa naissance, elle présentait des problèmes de santé, qui n’étaient pas liés à mon lupus, notamment une omphalocèle, une absence de fermeture de la paroi abdominale qui se situait au niveau du foie. J’étais très inquiète durant ses premières années de vie. C’est pourquoi je ne désire pas avoir d’autres enfants par peur de revivre la même chose et que ma santé se dégrade."
"Je dois prendre onze médicaments par jour"
En 2018, sa tension artérielle n'a cessé d’augmenter, ce qui a causé un accident ischémique transitoire (AIT). "Je suis têtue et bornée. En général, rien ne m’empêche d’aller travailler, même pas le fait d’être malade. Mais à ce moment-là, j’ai dû lever le pied et me reposer", précise la mère de famille, qui est toujours suivie par un néphrologue, un rhumatologue et un dermatologue.
Depuis quelques années, elle mène "une vie normale" grâce à un traitement adapté mais contraignant. "Je dois prendre onze médicaments par jour. Je m’y suis habituée mais c’est assez lourd. Parfois, il m’arrive de les oublier", déclare la patiente. Son rêve : "une piqûre à la cuisse qui contient un concentré des divers traitements."
Malgré les différentes contraintes liées au lupus, Johanna profite pleinement de la vie. "Je fais souvent de la course à pied. Il faut habituer son corps à bouger, ça aide à garder le moral et à rester positif. Plus vous allez vous sentir mal, plus le lupus va se faire une joie de vous attaquer. C’est une maladie vicieuse !"