Plus de 35,6 millions de personnes dans le monde, dont un million en France, sont touchées par la maladie d'Alzheimer. Des chercheurs de l'Université Harvard ont fait une découverte majeure en étudiant le cas d'un homme qui a défié son hérédité familiale pendant de longues années. Il paraît avoir été protégé par une rare mutation génétique qui contrôle le fonctionnement d'une protéine aidant les cellules à communiquer.
Alzheimer précoce : un homme déclare la maladie 20 ans plus tard que les autres
Pour cette étude publiée dans Nature Medicine le 15 mai, les scientifiques se sont intéressés à une famille colombienne ayant une prédisposition génétique à la maladie d'Alzheimer précoce, appelée mutation « Paisa » (Presenilin-1 E280A). Normalement, les personnes atteintes de cette pathologie développent des problèmes de mémoire vers 42 ans, une démence au milieu de la cinquantaine et meurent des complications du trouble à la soixantaine. Le patient identifié par l'équipe est resté pour sa part cognitivement intact jusqu'à 67 ans. Il a présenté une démence légère à 72 ans et est décédé à 74 ans d'une pneumonie, soit des années après la plupart des individus touchés par la mutation Paisa.
Une femme de la même famille ayant des fonctions cognitives intactes jusqu'à 70 ans, avait déjà été signalée en 2019. Les deux patients avaient des niveaux élevés d'amyloïde dans leur cerveau, mais étaient protégés contre la maladie.
"Des cas extraordinaires comme celui-ci illustrent comment les individus et les familles élargies atteints de la maladie d'Alzheimer peuvent aider à faire progresser notre compréhension de la maladie et ouvrir de nouvelles voies de découverte", explique la co-auteure principale, Yakeel Quiroz, neuropsychologue clinicienne et chercheuse en neuro-imagerie dans un communiqué.
Alzheimer : une mutation génétique rare identifiée à la fois cause et remède
Les scientifiques ont alors effectué des analyses génétiques et moléculaires pour comprendre ce qui protégeait l'homme de la maladie d'Alzheimer. Ils ont découvert une mutation très rare dans le gène RELN qu'ils ont appelée Reelin-COLBOS. Elle semble augmenter la fonction de la protéine reeline, qui est produite par le gène. Cette dernière diminue l'activation de la protéine tau, élément clé dans la maladie d'Alzheimer. Selon eux, cela pourrait expliquer la protection que l'homme a connue contre la pathologie neurodégénérative pendant des années.
"Le plus excitant, c'est que la nature nous a révélé à la fois la cause de la maladie d'Alzheimer et son remède. Mère Nature a fait une expérience exceptionnelle avec ces deux sujets : elle les a dotés à la fois d'un gène qui cause la maladie d'Alzheimer et en même temps d'un autre gène qui les a protégés des symptômes de la maladie pendant plus de deux décennies", indique Francisco Lopera, co-premier auteur de l'étude et également le neurologue qui a découvert cette famille et la suit depuis 30 ans.
Mutation Paisa : des recherches supplémentaires vont être menées
Bien que cette mutation soit extrêmement rare, la compréhension de son mécanisme de protection pourrait conduire au développement de traitements.
"Le fait que le premier cas (la patiente de 2019, NDLR) nous ait montré une mutation affectant l'APOE et que le second cas affecte la reeline nous indique que cette voie de signalisation qui contrôle la phosphorylation de tau, entre autres effets, peut être essentielle pour comprendre pourquoi ces patients ont été protégés", précise le Pr Joseph Arboleda-Velasquez qui a travaillé sur l'étude. "Ceci est essentiel pour guider les thérapies, car cela nous indique clairement que plus de reeline pourrait avoir des effets bénéfiques."
L'équipe prévoit de continuer ses travaux pour identifier d'autres patients qui semblent protégés au sein de cette famille touchée par la maladie d'Alzheimer précoce, mais aussi de poursuivre ses recherches sur les traitements qui peuvent découler leurs découvertes.