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Douleur chronique

Cas unique : une mutation génétique lui épargne la douleur et l’anxiété

Par Mégane Fleury

Une Écossaise ne ressent ni la douleur, ni l’anxiété, ni la peur. Les chercheurs estiment que c'est lié à une mutation génétique.

Chinnapong/ISTOCK
Une Écossaise ne ressent pas la douleur, ni la peur, ni l'anxiété.
Des chercheurs ont découvert que c'est lié à une mutation génétique qu'elle porte.
À terme, cela pourrait permettre de créer de nouveaux traitements contre la douleur chronique.

Des millions de personnes souffrent de douleur chronique dans le monde, sans traitement possible. Jo Cameron, une Écossaise, pourrait aider les médecins à en trouver un. Elle ne ressent ni la douleur, ni la peur, ni l’anxiété et des généticiens de la douleur cherchent à comprendre pourquoi. Ces chercheurs de l’University College de Londres expliquent que cette insensibilité à la douleur serait liée à une mutation génétique. Leurs résultats sont parus dans la revue Brain. 

Douleur : un cas qui intéresse les scientifiques depuis dix ans 

L’insensibilité de Jo Cameron a suscité la curiosité des scientifiques en 2013. Elle venait de subir des opérations chirurgicales importantes à la hanche et à la main, or elle ne ressentait aucune douleur. Son médecin s’est interrogé et l’a dirigée vers des spécialistes de la douleur. En 2019, ces généticiens ont découvert qu’elle possédait un gène, FAAH-OUT, avec une mutation génétique rare. Ils ont constaté que cette mutation, associée à une autre plus courante, était la cause de cette particularité de Jo Cameron. 

Une mutation génétique qui bloque douleur, anxiété et peur 

"La zone du génome contenant FAAH-OUT était auparavant supposée être de l'ADN1 'indésirable' qui n'avait aucune fonction, mais il s'est avéré qu'elle médiait l'expression de FAAH, un gène qui fait partie du système endocannabinoïde et qui est bien connu pour son implication dans la douleur, l'humeur et la mémoire", notent les chercheurs. La mutation génétique que possède Jo Cameron empêche l’expression du gène FAAH et d’autres voies moléculaires liées à l’humeur et à la cicatrisation des plaies. De fait, des prélèvements réalisés sur d’autres patients ont permis aux chercheurs de repérer d’autres effets de cette mutation. Au total, ils ont constaté qu’elle a un impact sur plus de mille gènes. "Ces changements génétiques peuvent contribuer à la faible anxiété, peur et douleur de Jo Cameron", estiment les scientifiques britanniques.

Quelles sont les implications potentielles de cette mutation génétique ?  

"Le gène FAAH-OUT n'est qu'un petit coin d'un vaste continent, que cette étude a commencé à cartographier, résume l’un des auteurs principaux, Dr Andrei Okorokov. Outre la base moléculaire de l'absence de douleur, ces explorations ont identifié des voies moléculaires affectant la cicatrisation des plaies et l'humeur, toutes influencées par la mutation FAAH-OUT." Il espère que d’autres recherches permettront de mieux comprendre ses effets sur la cicatrisation des plaies ou sur la dépression. Mais cela pourrait aussi devenir une piste de travail pour la mise au point de nouveaux traitements contre la douleur. "En comprenant précisément ce qui se passe au niveau moléculaire, nous pouvons commencer à comprendre la biologie impliquée et cela ouvre des possibilités pour la découverte de médicaments qui pourraient un jour avoir un impact considérable pour les patients", complète Jame Cox, co-auteur.