Pourquoi docteur - Vous avez aujourd’hui 60 ans. Quand et comment avez-vous contracté la maladie de Lyme ?
Marie Félix - J’ai contracté la maladie de Lyme dans ma jeunesse, mes premiers symptômes s’étant manifestés à l’âge de 20 ans. La pathologie m’a été transmise par des tiques, car comme mes parents étaient forestiers dans le Maine-et-Loire, j’ai été mordue de nombreuses fois étant petite.
Quels ont été vos premiers symptômes ?
Au début de la maladie, j’ai beaucoup souffert de sciatiques, de névralgies du bras et de cervicalgies. J'ai également développé un érythème migrant que je n'ai pas identifié comme tel à l'époque.
Je n’ai en revanche pas eu de fièvre ni senti une grosse fatigue.
Ont-ils évolué au fil du temps ?
Énormément, oui. Au fil des ans, je me suis mise à souffrir de problèmes neurologiques, de maux de tête, de vertiges, de lumbagos, de soucis ophtalmiques, de perte de cheveux et de trous de mémoire.
Quels ont été les plus handicapants au quotidien ?
Les vertiges. Quand ils frappent, on n’est plus dans le même monde, on a envie de vomir et on a l’impression qu’on va mourir. C’est un peu comme si on était complètement saoûl.
Ont-ils eu un impact sur votre vie de tous les jours ?
Beaucoup, oui. Concernant ma carrière d’enseignante, j’ai à peu près réussi à être présente pour mes élèves, même s’il y a eu quelques mois où j’étais sur la touche.
Au niveau de ma vie de famille en revanche, je n’ai pu vivre avec mes trois garçons que le tiers de ce que j’aurais voulu partager avec eux. Rien que d’en parler, je sens mes larmes monter.
Beaucoup de malades atteints de la maladie de Lyme traversent de longues périodes d’errance thérapeutique. Cela a-t-il été votre cas ?
Oui. Je n’ai été diagnostiquée qu’en 2017, notamment parce que les premiers tests que j’avais faits étaient revenus négatifs et que mes symptômes ont régulièrement été rattachés à d’autres pathologies.
Quand et comment avez-vous été finalement diagnostiquée ?
C’est une médecin généraliste qui, interpellée par ma demande de séances de kinésithérapie, m’a invitée à refaire des tests. Cette fois-ci, ils sont revenus positifs.
Quelles ont été les conséquences de cette longue absence de diagnostic clair ?
J’ai vécu une déstructuration absolue de ma personnalité, car on m’a expliqué pendant des années que j’étais dépressive et que mes maux étaient inventés. J’ai donc renié ce que je savais intimement et pris régulièrement des antidépresseurs au cours de ma vie, ces pilules ne m’ayant jamais réussi malgré les diverses molécules testées.
C’est d’ailleurs à la suite de la prise de ce genre de médicaments que j’ai fait une tentative de suicide en 2013. Mon malheur était trop grand, j’avais trop mal, je voulais en finir.
Avez-vous testé d’autres médications ?
Oui. Avant d’être certaine d’avoir la maladie de Lyme, j’ai suivi un traitement hormonal tout en prenant énormément d’anti-inflammatoires et d’antidouleurs. Une fois le diagnostic établi, j’ai aussi testé la mono-antibiothérapie courte et la poly-antibiothérapie longue, qui sont toutes deux restées sans effet. Je me suis alors tournée vers les thérapies alternatives.
Laquelle a finalement fonctionné ?
La thérapie non occidentale dont je parle dans mon livre. Grâce à elle, cela fait trois ans que je suis bien, même si je sais que je risque de replonger à tout moment.
Dans votre livre, vous parlez "d’un scandale sanitaire". Pourquoi ?
Concernant la maladie de Lyme, le scandale sanitaire est à mon sens multiple. D’abord parce que les médecins généralistes français ne sont pas assez formés et de moins en moins nombreux à pouvoir soigner cette pathologie. Ensuite parce que les tests ne sont pas fiables (ce qui pose la question de l’intérêt des laboratoires pharmaceutiques en la matière), et enfin parce que la chronicité de la maladie de Lyme n’est pas reconnue.