- Pourquoi Docteur : selon les estimations, 1 femme sur 4 souffre de fibromes utérins, soit près de 25 millions de femmes en Europe, qu’est-ce que cette maladie ?
Pr Claude Hocké : le fibrome est une tumeur bénigne non-cancéreuse développée aux dépens des fibres musculaires de l’utérus. Il est hormono-dépendant, ce qui explique une croissance rapide pendant la vie génitale de la femme, avant la ménopause.
Par ailleurs, sa prévalence augmente avec l’âge. À 50 ans, 50 % des femmes ont des fibromes détectés à l’échographie. Le risque de développer un fibrome est aussi lié à l’origine ethnique. En effet, les femmes d’origine afro-caribéenne ont une prévalence doublée par rapport à la population caucasienne. Cette disparité entre les populations a des origines génétiques probables, mais on n’a pas encore trouvé les gènes en cause.
- Quels signes peuvent révéler l’existence d’un fibrome utérin ?
Les petits fibromes utérins n’entraînent généralement pas ou peu de signes. Toutefois, ceux qui sont symptomatiques donnent des saignements abondants, semblables à de grosses règles. Il s’agit d’ailleurs de la première cause de consultations des patientes.
Ces tumeurs bénignes peuvent aussi provoquer des douleurs (sensation de poids dans le bas-ventre, douleurs pendant les rapports sexuels…) ainsi que des problèmes de fertilité (échec d’implantation, fausse couche…).
"Le fibrome utérin n'est une cause isolée d’infertilité que dans 2 à 5 % des cas"
- Quand un fibrome utérin peut-il être problématique pour les femmes qui ont un désir d’enfants ?
Le fibrome utérin est rarement la cause principale d’infertilité. Les problèmes viennent majoritairement de l’ovulation ou des trompes. En revanche, les fibromes viennent aggraver la situation. D’autant plus que nous avons maintenant en France des patientes en désir d’enfant plus âgées.
Le fibrome est une cause isolée d’infertilité que dans 2 à 5 % des cas. Il est considéré comme une cause d’échec quand il est dans la cavité utérine, d’une taille supérieure à 4 cm ou encore quand l’utérus est polymyomateux.
En revanche, les femmes infertiles ont trois fois plus de fibromes utérins que les autres. Cela pose beaucoup de problèmes chez les populations qui ont des fibromes jeunes et multiples, car ils sont difficiles à traiter. La difficulté actuelle provient principalement du risque de récidive après traitement (entre 10 et 90 %) selon l'âge et le nombre de fibromes.
Fibrome : "chaque traitement a des avantages et des inconvénients : le tout est de faire le bon au bon moment"
- Quelles sont les solutions pour ces patientes atteintes de fibromes utérins qui souhaitent tomber enceinte ?
Les recommandations médicales sont de traiter les fibromes qui sont dans la cavité utérine, et pas trop importants, grâce à une résection par hystéroscopie. Si les fibromes sont gros - ce qu’on appelle des fibromes intramuraux - on privilégie la myomectomie. Cela consiste en une ablation chirurgicale du fibrome. En alternative, il est possible de se tourner vers une embolisation des artères utérines. Cette méthode - moins fatigante et moins lourde qu’une chirurgie - est généralement proposée dans les cas de récidives, car il est compliqué d’opérer tous les deux ans. L'inconvénient de l’embolisation est que cela ne fait pas disparaître tous les fibromes et cela peut entraîner des complications comme l’insuffisance ovarienne ou des adhérences, ce qui peut réduire les chances de grossesse. Par ailleurs, les techniques d’ultrasons focalisés et de radiofréquence, utilisées en Asie, sont en expérimentation en Europe.
Chaque traitement a des avantages et des inconvénients : le tout est de faire le bon traitement au bon moment. Par exemple, il n’y a pas de solution idéale chez une jeune femme présentant un utérus poly-myomateux (plusieurs fibromes utérins en même temps). On alterne souvent le traitement radiologique et le traitement chirurgical.
Lorsque les femmes ne veulent pas d’enfants, il est possible de leur proposer des traitements symptomatiques pour normaliser les règles comme les traitements progestatifs qui bloquent entre autres l’ovulation. L'hystérectomie est également le traitement radical pour les patientes atteintes de fibromes ne souhaitant pas ou plus d’enfants. Entre 30 à 40 % des hystérectomies en France sont liées à des fibromes.
Fibrome : "chez les femmes infertiles soignées, 50 % d'entre elles ont pu faire un enfant un an après le traitement"
- Quelles sont les chances de grossesse des patientes atteintes de fibromes ?
Comme je l’ai déjà indiqué, le fibrome utérin n'empêche pas une grossesse. En revanche, les études montrent que chez les femmes infertiles dont les fibromes ont été soignés, 50 % d'entre elles ont pu faire un enfant un an après le traitement. Toutefois, de nombreux facteurs rentrent en compte. Le traitement a plus de chance de fonctionner si la patiente a moins de 35 ans. Les taux de réussite seront moindres pour les patientes plus âgées qui ont de fait une fertilité plus faible.
- En cas de grossesse, la future maman ou le fœtus ont-ils des risques plus importants ?
La chirurgie est susceptible d’augmenter le risque de rupture utérine, surtout si le délai entre l’opération et la grossesse est court (moins de trois mois), ou encore si la patiente a eu une poly-myomectomie. Cependant, ce risque étant de base faible (0,5 %), même un triplement du risque n'entraîne pas un risque fort pour la future maman.
Le fait d’avoir un utérus cicatriciel peut aussi entraîner une augmentation du risque de césarienne pour la patiente. La possibilité d’accoucher par voie basse ou par césarienne est alors à étudier pendant la grossesse avec le praticien.
Par ailleurs, les fibromes, au moins ceux de la cavité non opérés, entrainent un doublement du risque de fausse couche. C’est un risque pour la grossesse de même qu’une menace d’accouchement prématurée ou d'hémorragie de la délivrance. Toutefois, un suivi adapté permet de le réduire.