Les soins dentaires sont les premiers soins auxquels les Français déclarent renoncer en raison de leur coût. Une étude de l’Observatoire citoyen des restes à charge, créé par le collectif interassociatif sur la santé (CISS), le magazine 60 millions de consommateurs et la société Santéclair, révèle « des dérives inacceptables » dans les pratiques des dentistes.
Dépassements d’honoraires illégaux
35 millions d’euros de dépassements d’honoraires ont été réclamés aux Français par leur dentiste en 2012 concernant des soins de caries, des détartrages, des dévitalisations ou encore des extractions. Or ce sont des soins courants dont les tarifs sont encadrés par la Sécurité Sociale et qui ne devraient faire l’objet de dépassements d’honoraires qu’en cas de soins en urgence ou autre situation exceptionnelle.
Les dentistes installés à Paris sont les plus gourmands en matière de dépassements, ils facturent les actes conservateurs en moyenne plus de 9 euros au delà du tarif sécu et plus de 17 euros au delà pour les actes d’extraction. L’Observatoire note 23% de dépassement pour un détartrage, 76% pour un soin de carie par composite ou encore 86% pour l’extraction d’une dent de sagesse incluse. Ces dépassements d’honoraires illégaux sont essentiellement concentrés dans la région parisienne mais l’Observatoire épingle également les dentistes des régions Rhône-Alpes et PACA. Les rhône-alpins pratiquent, pour les soins de caries par composite, des dépassements d’honoraires de 38% en moyenne dans le Rhône, 35% en Haute-Savoie et 26% en Isère. Pour leurs confrères du Sud, ce sont les exctractions de dents de sagesse incluses qui sont facturées en moyenne 11% au dessus du tarif sécu. « L’Assurance Maladie s’assure-t-elle de la justification de ces dépassements d’honoraires ? Et lorsqu’ils ne sont pas justifiés, que fait-elle pour les stopper ? » interroge l’Observatoire.
Choix thérapeutiques discutables mais très rentables
Les poses de prothèses (couronnes ou bridges) constituent le gros de la dépense dentaire des Français, 5 milliards d’euros en 2012 et l’Assurance Maladie n’en rembourse qu’un milliard. Sans complémentaire santé, le reste à charge par prothèse dépasse 200 euros en moyenne et peut grimper jusqu’à plus de 400 euros à Paris. « Accéder à ces soins dentaires devient un luxe pour un nombre toujours plus important de nos concitoyens. Aujourd’hui, même pour une couronne céramique sur métal non précieux, la plus fréquente, c’est l’usager qui paie la plus grosse part (74%) », dénonce l’Observatoire citoyen des restes à charge en santé.
En cause dans cette addition salée, certaines pratiques injustifiées en matière de qualité des soins mais plus lucratives tendent à se généraliser. Lorsque la dent est trop abîmée pour recevoir directement la couronne, les dentistes ont recours aux inlay-cores, des sortes de petits moignons en métal sur laquelle est scellée la couronne. Depuis 2006, cette pratique devient systématique quelque soit l’état de la dent, elle concerne aujourd’hui plus de 8 poses de couronnes sur 10. Le problème, c’est que l’inlay-core est réalisé par un prothésiste à partir de l’empreinte dentaire réalisée par le dentiste et que son tarif est libre, en dehors de tout accord avec la Sécurité sociale. Alors qu’une reconstitution classique coûte 80 euros, remboursés à 70%, un inlay-core fait grimper la facture entre 150 et 300 euros en moyenne. En 2006, l’Assurance Maladie avait signé avec les dentistes un accord conventionnel dans lequel les dentistes s’engageaient à privilégier le procédé le moins cher. « Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces engagements n’ont pas été respectés et que la situation s’est encore aggravée, ce qui participe à l’alourdissement des restes à charge pour les usagers », dénonce l’Observatoire.
Face à de telles dérives, les représentants des usagers en appellent aux pouvoirs publics pour « imposer le respect des règles, étape essentielle à l’objectif de l’accès aux soins dentaires pour tous ». Alors que le contrat d’accès aux soins visant à modérer les dépassements d’honoraires a été signé par plus de 9000 médecins et doit entrer au 1er décembre, c’est désormais aux dentistes qu’il est demandé de rendre des comptes sur leurs tarifs.