ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Syndrome des jambes sans repos : "Les médecins minimisent les symptômes et leurs conséquences"

Témoignage patient

Syndrome des jambes sans repos : "Les médecins minimisent les symptômes et leurs conséquences"

Par Geneviève Andrianaly

Souffrant d’impatiences dans les membres inférieurs depuis son enfance, Simone Ruellan nous raconte comment elle s’est sentie incomprise face à certains médecins qui ne prenaient pas au sérieux ce trouble chronique.

PORNCHAI SODA/iStock
Simone Ruellan, vice-présidente de l’Association France Ekbom (AFE), a appris, vers l’âge de 30 ans, qu’elle souffrait du syndrome des jambes sans repos, dont l’origine était génétique.
Face à l’intensification de ses symptômes et à une prise en charge négligée par le corps médical français, la retraitée a décidé de se faire soigner en Suisse.
Actuellement, la septuagénaire suit un traitement par agonistes dopaminergiques et arrive désormais à dormir la nuit.

"À l’âge de 8 ou 9 ans, je n’arrivais pas à rester dans mon lit pour lire le soir. Il fallait que je sois toujours en mouvement. Je n’en ai parlé à personne, car je savais que c’était difficile à comprendre. À cette époque, je n’avais pas conscience que j’étais atteinte du syndrome des jambes sans repos", confie Simone Ruellan, qui est aujourd’hui âgée de 78 ans. Ce trouble chronique, dont elle souffre, se caractérise par un besoin impérieux de bouger les jambes, associé à des sensations désagréables au niveau des membres inférieurs survenant au repos. "On dirait que quelque chose nous empêche, tous les jours, de rester assis ou allongés, en particulier en fin de journée et la nuit", explique la vice-présidente de l’Association France Ekbom (AFE).

Syndrome des jambes sans repos : une origine génétique

C’est vers l’âge de 30 ans que la patiente a commencé à entendre parler du syndrome des jambes sans repos. "Je me suis rendue chez mon médecin généraliste. Il ne savait pas quoi faire de moi et ne comprenait pas ce qu’il se passait dans mon corps. Il m’a donc orienté vers un neurologue qui a su mettre un mot sur ma maladie", indique l’ancienne assistante de directeur des services techniques de la mairie de Paris. Le spécialiste l’a informée que ses impatiences étaient d’origine génétique. Elle s’est alors rendue compte qu’elle n’était pas la seule à être atteinte de ce syndrome dans sa famille. "C’est à ce moment-là que j’ai fait le lien avec ma mère. Quand j’étais petite, je l’entendais souvent marcher la nuit", se souvient la retraitée qui précise qu’une de ses filles, comme certains de ses cousins et neveux souffrent aussi de ce trouble.

"Ma crise a duré six heures. C’était un enfer !"

Après que son diagnostic a été posé, son neurologue lui a prescrit un traitement. "À cette époque, on ne savait pas soigner ces impatiences. On nous donnait des médicaments qui n’avaient rien à voir, par exemple des antidépresseurs, mais ce n’était pas efficace. Pendant des décennies, j’ai dû me promener la nuit en lisant pour rester en mouvement. Je n’avais pas de jours de répit", raconte la septuagénaire qui a passé des nuits entières sans dormir. Un soir, elle a tenté de ne pas bouger pendant un long moment et en a subi les conséquences. "Après être restée immobile pendant 15 ou 20 minutes, j’ai ressenti, comme d’habitude, une sorte de spasme qui me prend toutes les cinq secondes. Mais, contrairement aux autres fois, j’ai décidé de ne pas me déplacer. Résultat : ma crise a duré six heures. C’était un enfer ! Je n’ai plus jamais renouvelé l’expérience."

En cas de crises, "je m’éclipsais et je partais faire le tour du périphérique parisien"

Au fil des années, ses symptômes s’intensifiaient, ce qui l’a contraint à s’isoler. "J’ai dû refuser plusieurs sorties et des vacances chez des amis. Je n’arrivais pas à me faire comprendre. Au bout d’un moment, je ne voulais plus expliquer aux gens qu’une séance de cinéma, des repas prolongés ou le simple fait de rester allongée à la plage, c’était difficile à vivre pour moi, car je devais tout le temps bouger", déclare l’habitante des Côtes-d'Armor. Le seul moment où son syndrome des jambes sans repos prenait moins de place dans son esprit, c’était au travail. "Au bureau, je ne ressentais pas de fatigue, je n’étais pas assise sur une chaise toute la journée et j’étais très occupée. Cela n’était pas le cas le soir. Donc parfois, je m’éclipsais, sans que mon mari le sache, et je partais faire le tour du périphérique parisien. Assise dans ma voiture, je ne ressentais plus les impatiences. Si je ne faisais pas ça, ça m’arrivait de penser à avoir recours à l’armoire à pharmacie", avoue Simone Ruellan.

Syndrome des jambes sans repos : "la prise en charge est souvent négligée par le corps médical"

En 2004, elle a décidé d’aller en Suisse pour se faire soigner. "En France, les échanges avec les professionnels de santé sont compliqués, car ils ne prennent pas en compte le syndrome des jambes sans repos. À l’époque, on me disait souvent que 'de toute façon, il n’y avait rien à faire', 'ça va, ce n’est pas mortel', 'il va falloir vivre avec'. Il y a un déni de la maladie, car, à part un interrogatoire, il n’existe pas réellement de moyens pour vérifier sa présence. Encore aujourd'hui, les médecins minimisent les symptômes et leurs conséquences, alors que l’on sait qu’un manque de sommeil causé par ces impatiences augmente le risque de maladies cardiovasculaires, de dépression, d’accidents de la route et du travail ainsi que de suicides… En outre, la prise en charge est souvent négligée par le corps médical. Certains professionnels de santé ne prennent même pas la peine d'orienter leurs patients vers des spécialistes. C’est ce que l’on appelle de la non-assistance à personne en danger ! J’espère qu’un jour, les praticiens nous prendront plus au sérieux", s’insurge la retraitée, qui suit actuellement un traitement par agonistes dopaminergiques et arrive désormais à "dormir mieux", même si elle a toujours des crises le soir.