- Pourquoi Docteur : qu'est-ce que son tour de taille dit de l'état de santé d'une personne ?
Odile Fabre : Aujourd’hui il est considéré comme un véritable marqueur de risque cardio-vasculaire, au même titre que le poids, l’indice de masse corporelle, le fameux IMC, le tabagisme, ou le fait de ne pas avoir une alimentation suffisamment riche en fruits et légumes. Ce tour de taille, il devrait, selon les experts dans ce domaine, être mesuré de façon systématique dans le cadre du soin courant et il devrait faire partie du dossier médical de tous les Français comme le poids, la taille ou la pression artérielle.
- Comment le mesurer ?
C’est très facile ! Il suffit de se munit d’un mètre-ruban, un mètre de couturière, et de le placer entre le haut de la crête iliaque, l’os que l’on sent lorsque l’on appuie sur la hanche, et la dernière côte. C’est à peu près au milieu de ces deux repères, au niveau du nombril, que l’on mesure le plus précisément le tour de taille.
- A partir de quand est-il considéré comme trop important ?
Il y a évidemment des seuils pour qualifier un tour de taille trop élevé. En Europe, ces seuils ont été déterminés en 2005 par la Fédération Internationale du Diabète : il est de 94 centimètres chez l’homme et de 80 centimètres chez la femme. Cela peut paraître beaucoup mais en fait on y arrive très vite !
- Y a-t-il un rapport entre l'indice de masse corporelle et le tour de taille ?
Oui, il y a quand même un lien entre ces deux paramètres mais qui n’est pas tout à fait exact et le tour de taille est bien plus corrélé avec le risque cardio-vasculaire que l’indice de masse corporelle qui présente des limites à ce niveau-là.
- Quelles sont les causes d'un tour de taille trop élevé ?
Il y a tout d’abord un facteur génétique que l’on ne peut pas exclure, il y a certaines personnes qui ont plus tendance à prendre au niveau de la taille et d’autres davantage au niveau des fesses et des hanches. Mais l’alimentation est un facteur très important. Beaucoup ont aujourd'hui une alimentation très riche en sucres, en glucides, comme dans beaucoup de produits de l’alimentation industrielle. Il y a donc cette alimentation qui est de plus en plus calorique, de plus en plus sucrée et en parallèle on est de plus en plus sédentaires avec moins de dépenses énergétiques. C’est la cause essentielle de la prise de graisse au niveau de l’abdomen et c’est une graisse qui est plus dangereuse que celle que l’on stocke au niveau des fesses ou des hanches.
- Pour quelles raisons ?
Parce qu’en fait, cette graisse n’est pas un tissu inerte, c’est un tissu qui est métaboliquement actif, c’est-à-dire qu’il va sécréter des substances qui sont toxiques pour l’organisme.
- Ce problème de tour de taille concerne-t-il autant les femmes et les hommes ?
Les femmes sont génétiquement programmées pour prendre de la graisse plutôt au niveau des fesses et des hanches et c’est la raison pour laquelle les hommes ont plus tendance à développer des maladies cardiovasculaire ou métaboliques dans la première partie de leur vie. Pour les femmes, c’est après la ménopause, lorsqu’elles ne sont plus protégées par leurs hormones, qu’elles commencent à accumuler de la graisse au niveau du ventre et à développer exactement les mêmes pathologies.
- Quelles sont justement les pathologies liées au tour de taille ?
Ce sont toutes les pathologies que l’on qualifie de cardio-métaboliques, donc toutes les maladies cardio-vasculaires, l'hypertension, l'athérosclérose, les troubles du rythme cardiaque et des maladies purement métaboliques comme le diabète ou la fameuse « maladie du foie gras » qui progresse d’une façon très importante. Il y a aussi le syndrome d’apnée du sommeil, des pauses respiratoires qui interviennent pendant la nuit. Il s’agit en fait de pathologies qui peuvent être différentes mais qui ont toutes la même origine, cette augmentation de graisse viscérale au niveau de l’abdomen, dans et autour des organes.
- A partir de quel âge doit-on surveiller son tour de taille ?
Très jeune ! Des études ont montré que déjà chez des jeunes adultes il peut y avoir des accumulations de cholestérol dans les artères du fait de leur alimentation qui n’est pas adaptée à un mode de vie dans lequel il n’y a pas assez d’activité physique. On enregistre de plus en plus de cas de diabète de type 2 ou de « maladie du foie gras » chez des enfants ou de très jeunes adolescents, ce que l’on ne voyait pas du tout il y a 50 ans !
- Suffit-il de perdre du poids pour réduire son tour de taille ?
Alors oui et non ! Oui, bien sûr, il faut perdre du poids mais de façon localisée. L’augmentation du tour de taille révèle une accumulation de graisse au niveau de la cavité abdominale mais aussi au niveau d’organes qui n’ont pas été conçus pour cela comme le cœur, le pancréas, le foie, les reins, ce que l’on appelle des foyers ectopiques de graisse. Donc, lorsque l’on maigrit, il faut en fait éliminer la graisse tous ces organes.
- Quel régime adopter pour perdre son tour de taille ?
Il ne s’agit pas de faire un régime lambda, on en connait tous et dans la plupart des cas, effectivement, on perd du poids. Mais l’idée, c’est de perdre de façon localisée cette graisse qui est toxique pour l’organisme et de préserver sa masse musculaire. Donc ce n’est pas un simple régime qu’il faut suivre mais un véritable programme de perte de poids qui inclut un changement de mode de vie. Il faut limiter de façon drastique sa consommation de sucre, avoir une alimentation riche en protéines et bien sûr augmenter son activité physique et essayer de faire de ces bonnes pratiques de véritables habitudes de vie.
- Renforcer ses muscles abdominaux permet-il de réduire le tour de taille ?
Pas du tout ! Vous pouvez faire tous les abdominaux que vous voulez, cela va renforcer votre sangle abdominale, ce qui n’est pas inintéressant, mais par contre pour faire fondre les graisses localisées il vaut mieux avoir une activité physique que les experts ont définie comme utilisant 60 % de sa puissance cardiaque, ce qui revient à faire du sport sans être essoufflé. Cela inclut la marche rapide, le vélo mais à intensité modérée, des activités que l’on peut pratiquer de façon régulière.
- Existe-t-il d'autres traitements que ceux concernant l'alimentation et l'activité physique ?
A part les changements à son mode de vie, il n’y a pas de façon de traiter de façon homogène toutes les pathologies qui découlent d’un tour de taille trop important.
- Vous avez souligné l'absence fréquente de mesure du tour de taille dans le soin courant. A quoi est-ce dû ?
Effectivement, on n'informe pas suffisamment sur l'importance de cette mesure. C'est un sujet qui est assez récent et les médecins ne sont peut-être pas assez sensibilisés sur tous les mécanismes physio-pathologiques qui entraînent l’apparition de ces foyers ectopiques de graisse. Ils n’ont pas forcément les bons outils pour aider leurs patients à maigrir de façon appropriée.