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Témoignage patient

Fibrome utérin : “J’avais l’impression qu’une partie de pétanque se jouait dans mon utérus”

Par Sophie Raffin

Amélie Kingama a des fibromes utérins, des tumeurs bénignes situées dans l’utérus, qui en plus de provoquer des règles très abondantes, ont affecté sa fertilité, sa grossesse et sa fille.

Youngoldman/istock
Amélie Kingama a découvert qu'elle avait de nombreux fibromes utérins à 25 ans.
Si elle a pu tomber enceinte malgré leur présence, ces tumeurs bénignes ont provoqué des douleurs très importantes et quasi-continues pendant la grossesse.
Une des tumeurs a comprimé la colonne vertébrale de son bébé pendant la gestation, impactant par la suite son développement moteur.

Règles très abondantes, douloureuses et irrégulières… Ces symptômes n’ont pas alarmé les deux gynécologues successifs d’Amélie Kingama malgré ses plaintes. En revanche, ils ont tout de suite mis la puce à l’oreille de la praticienne qu’elle a rencontrée à 25 ans à la suite d’un déménagement. “Après avoir discuté avec ma nouvelle gynécologue, elle m’a dit “au vu de ce que vous me dites sur vos règles, je pense qu’il serait bien de faire une échographie”. Le verdict tombe alors : de nombreux fibromes sont présents dans l’utérus.

Fibromes utérins : "Je n’avais jamais entendu ce terme avant"

“Fibrome utérin... je n’avais jamais entendu ce terme avant. Ça m’était complètement inconnu. Elle a senti ma détresse, elle a alors dit : écoutez-vous n’avez pas de projet d’enfant pour le moment donc on ne va pas s’alarmer. Il faut juste que vous sachiez que votre utérus est polyfibromateux, vous en avez sur une bonne partie de l’utérus. On en reparlera quand vous aurez un projet bébé, se souvient Amélie Kingama.

En rentrant, la jeune femme a eu un réflexe que beaucoup d’entre nous auraient eu : elle a fait des recherches sur le net. “Je ne suis tombée que sur des forums sur les fausses-couches et la stérilité disant qu’il ne fallait pas retarder les projets de grossesse quand on a des fibromes, car c’est compliqué de tomber enceinte. Cela a été un drame pour moi, car si ce n’était pas un projet immédiat, nous voulions des enfants avec mon mari. J’ai commencé à avoir peur”. Amélie a ainsi appelé sa gynécologue. Mais cette dernière s’est montrée très rassurante à nouveau. “Elle m’a dit qu’elle avait l’habitude de ce genre de cas, car elle a travaillé plusieurs années en Afrique. Les études et les médecins s’entendent à dire que les femmes afro-descendantes ont plus de risques de développer des fibromes utérins”, précise la trentenaire. Pour l’experte, pas de doute : Amélie pouvait être maman.

Et si Amélie et son conjoint se sont interrogés sur une grossesse immédiate, ils ont décidé de poursuivre leurs projets de l'époque : la reprise des études et des voyages. “Je me suis donc dit : ce médecin à l’air de bien maîtriser son sujet - alors que depuis des années d’autres loupent mes fibromes - donc si elle me dit de ne pas m’inquiéter, je ne vais pas m'inquiéter. J’ai vraiment eu l’impression que je pouvais lui faire confiance”, se souvient la patiente.

"Ma grossesse a été ponctuée de crises de douleurs insoutenables"

Le projet bébé d’Amélie et son mari a finalement été lancé 4 ans après le diagnostic. Et cela n’a pas été simple. “J’étais super inquiète de ne pas y arriver en raison de mes fibromes. Je me disais surtout que si on n'y arrivait pas, ce serait de ma faute. J’avais l’impression d’avoir un poids énorme sur les épaules. Je me suis remise au sport, j’ai fait attention à ce que je mangeais, je me suis mise au yoga alors que je suis une personne très speed, j’ai pris des vitamines, je mangeais des noix à ne plus pouvoir les voir en peinture”. La jeune femme faisait son possible pour avoir l'hygiène de vie la plus saine possible.

Et après plus d’un an d’essai et des séances d'acupuncture, la bonne nouvelle arrive enfin : un test de grossesse positif.

Mais c’était loin d’être la fin d'un parcours difficile pour Amélie. “Je connaissais les risques : on a une épée de Damoclès au-dessus de la tête pendant toute la grossesse lorsqu’on a des fibromes utérins”. Les risques de fausses-couches, notamment tardives, sont particulièrement élevés pour les femmes souffrant de cette pathologie gynécologique. Tout comme les accouchements prématurés ou les hémorragies.

“Le stress n’est pas bon pour le bébé et les fibromes, mais comment ne pas stresser dans ses circonstances”, se souvient la jeune femme. Mais, la peur et l’anxiété n’ont pas été les seules compagnes d’Amélie pendant cette grossesse. Dès le 3e mois, il y a eu la nécrobiose aseptique de certains fibromes. Les tumeurs commencent à “mourir ”, car le flux sanguin qui les alimente va vers le fœtus. Cette complication très fréquente est particulièrement douloureuse. “Ma grossesse a été ponctuée de douleurs insoutenables. On en arrivait au point où je rampais au sol pour me déplacer, car je ne pouvais plus me lever ou me tenir debout. Quand j’étais seule chez moi, je devais me hisser pour aller aux toilettes en prenant la cuvette à deux mains pour pouvoir m'asseoir”, explique Amélie. “J’avais l’impression qu’une partie de pétanque en accéléré se jouaient dans mon utérus”.

Malheureusement pour les femmes enceintes polyfibromateuses, il y a peu d’option pour les aider à diminuer ces souffrances. “A un moment, on a essayé l’Acupan un antalgique un peu plus fort que le Spasfon. Cela faisait passer la douleur de 8 à 5. Cela me soulageait, mais seulement pendant 2 heures. J’avais l’impression de devenir une droguée, car je surveillais l’heure jusqu’à la prochaine dose".

"L’accouchement est douloureux clairement, mais ces souffrances sont vraiment plus insoutenables encore” ajoute-t-elle.

Malgré ces difficultés et déjouant les pronostics, la petite Emma est née pile au terme prévu : le 30 septembre 2019. “Elle a eu du mal à descendre à cause des fibromes. J’ai eu 30 heures de contractions. Une nouvelle fois, l’acupuncture m’a bien aidé. Ma sage-femme, qui la pratiquait, m’a proposé de me faire une séance et Emma est arrivée peu après”, se souvient sa maman.

Comme de nombreuses grossesses fibromateuses, Amélie a eu une hémorragie lors de la délivrance et des lochies particulièrement longues. Les fibromes nécrosés devaient en effet être expulsés : l’un d’eux faisait 12 cm de diamètre tout de même ! Si la jeune maman était très au fait de l’existence de ces complications, il y a un point qu’aucun médecin, gynécologue ou pédiatre n’avait soulevé avec elle : l’impact des fibromes sur les bébés.

Grossesse fibromateuse : “Ma fille a grandi avec une tumeur de 12 cm à ses côtés

Si Emma était un bébé énergique, souriant et plein de vie, ses parents ont remarqué un élément qui a commencé à les inquiéter : “Elle ne passait toujours pas de la position ventrale à dorsale et inversement à 8 mois. On voyait qu’elle n’était pas à l'aise non plus quand elle soulevait la tête”. Toutefois, ce retard de mobilité n’a pas alerté les médecins consultés. Amélie et son mari ont eu pour réponse : “C’est de la paresse” ou “Ne vous inquiétez pas : chaque enfant avait son propre rythme”.

“Bien qu’au courant de ma grossesse fibromateuse, aucun n’a pensé à faire des examens”, déplore la jeune maman. C’est finalement en discutant des difficultés de sa fille avec son ostéopathe qu’elle consulté pour ses propres douleurs à la main, qu’Amélie a pu comprendre ce que traversait Emma : il y avait une compression au niveau de la colonne vertébrale.

“Il m’a proposé de l'ausculter, il s’est alors rendu compte qu’elle avait un blocage au niveau de la colonne vertébrale. Pour lui, il est sûr à 99,99 % qu’elle a été compressée par un fibrome pendant la grossesse. Il l’a manipulée. Et même pas 48 heures après, elle était une autre personne. Elle est passée du dorsal au ventral, elle s’est mise à marcher à 4 pattes, elle était comme libérée. Tout a été très vite… Même à la crèche, ils ont remarqué la différence et ont demandé ce qui s’était passé”, se rappelle la jeune maman.

Encore aujourd’hui, la petite Emma doit consulter un ostéopathe une fois par an pour être “déverrouillée”.Elle n’aime pas trop la séance, mais cela lui fait vraiment du bien : elle bouge toujours beaucoup mieux après”, explique Amélie.

"Je trouve ça tellement dommage que personne ne m’ait avertie de ce risque. Aucun pédiatre ne m'a demandé si j’avais des fibromes. Je le disais de moi-même et ils n’ont jamais cherché à connaître leur taille, leur nombre, leur emplacement… il y a un loupé dans les consultations. Je me demande toujours : quelles auraient été les conséquences pour Emma si je n’avais pas été chez cet ostéo ce jour-là".

Pour Amélie Kingama, le corps médical doit être sensibilisé aux fibromes utérins et leurs complications pour permettre une prise en charge à 360 degrés au niveau de la femme, mais aussi de l’enfant. "Il ne faut pas oublier que ces bébés se développent dans un ventre entouré de tumeurs alors qu’il n’y a déjà normalement pas beaucoup de place. Ma fille a tout de même grandi avec un fibrome de 12 cm à ses côtés pendant 9 mois".

Aujourd’hui, la trentenaire est à nouveau enceinte. Pour le moment, cette seconde grossesse n’est pas ponctuée des souffrances insoutenables liées à la nécrobiose des fibromes. En revanche, le stress et l’anxiété sont bien présents. "J'appréhende, car je sais que les crises de douleur vont survenir à un moment. Je me demande aussi si ce bébé va tenir. Je l’encourage en lui disant : “regarde ta sœur a réussi. Mais je suis consciente que j’ai à nouveau une épée de Damoclès au-dessus de la tête", confie-t-elle.

Amélie essaie de reprendre du recul pour ne pas vivre en permanence dans l’appréhension. En revanche, elle a déjà prévenu son ostéopathe qu’il aurait prochainement un nouveau patient. “Je compte aller le voir très rapidement avec le deuxième.. vers un mois, si tout va bien. Je n’attendrai pas, j’irai le plus tôt possible!”.

Amélie Kingama s'est confiée en détail sur son combat pour la maternité dans son livre "Fibrostar Mon bébé Fibrome".