- Des chercheurs ont mis en lumière pour la première fois le rôle du microbiote dans le succès d’une greffe.
- D’après leurs travaux, le microbiote permet la bonne absorption d’un médicament indispensable contre le rejet des greffes d'organes.
- Cette découverte permettra de mieux comprendre les mécanismes en jeu lorsque des patients répondent moins bien à des traitements, comme celui contre le VIH, par exemple.
C’est le résultat de cinq années de recherche : des scientifiques belges ont déterminé les facteurs qui influencent l'absorption et l'élimination par l’organisme d’un médicament indispensable aux transplantations.
Et c’est la santé du microbiote, l’ensemble des bactéries intestinales, qui semble affecter particulièrement le processus. Leurs travaux ont été publiés dans la revue scientifique Microbiome.
Le tacrolimus est indispensable au succès d'une greffe
Plus de 20.000 personnes sont en attente d'une greffe d'organes en France. Lorsqu'une greffe est possible, il est essentiel d'en assurer le succès afin de ne pas "gaspiller" un organe, expliquent les auteurs de l'étude.
L'une des clés de la réussite des greffes est un médicament anti-rejet, le tacrolimus, que les patients doivent prendre à vie. Mais il est extrêmement difficile de doser correctement ce médicament, ce qui peut entraîner des risques importants d'échec de la greffe en cas de sous-dosage et des effets secondaires importants en cas de surdosage (diabète, hirsutisme, perte de cheveux, neuropathie ou effets néphrotoxiques).
Les scientifiques de l'Université de Louvain (UCLouvain) en Belgique, se sont donc penchées sur les liens entre ce médicament, ses dosages et le microbiote intestinal pour déterminer si la présence de certains microbes dans les intestins jouent un rôle dans son absorption.
Greffe : le microbiote aide le médicament anti-rejet à faire son effet
Grâce à leurs travaux sur des souris, les chercheurs ont observé qu'en l'absence de microbiote, les taux de tacrolimus dans le sang des souris étaient plus faibles. "Cela signifie que la présence de microbiote augmente la concentration du médicament dans le sang, réduisant ainsi le risque de rejet de la greffe ou, au contraire, augmentant le risque d'effets secondaires”, notent les auteurs.
La recherche a également mis en évidence un mécanisme encore inconnu jusqu'alors: le microbiote favorise l'absorption des médicaments en réduisant l'action d'une protéine, la P-glycoprotéine, qui agit comme une pompe à la surface des cellules intestinales et limite l'absorption de nombreux médicaments, dont le tacrolimus.
En parallèle, ils ont réalisé des tests cliniques sur des matières fécales prélevées chez une centaine de patients ayant subi une transplantation rénale, qui ont démontré encore une fois le rôle important joué par le microbiote.
VIH, hypertension : le microbiote joue-t-il un rôle dans l'efficacité des traitements ?
En effet, plus le dosage du médicament est élevé, moins le microbiote est riche (moins diversifié en bactéries).
"A l'avenir, si un patient ayant subi une transplantation rénale doit prendre des antibiotiques (qui ont un impact important sur le microbiote), il serait utile qu'un contact soit pris au préalable avec son néphrologue afin de minimiser les effets secondaires ou les problèmes de rejet de la greffe. Des considérations similaires s'appliquent aux changements alimentaires importants", concluent les auteurs. En effet, ce que l'on mange a un impact sur la santé du microbiote, qui se nourrit des aliments et nutriments apportés par l'alimentation.
Les scientifiques cherchent désormais à se faire une idée des interactions entre les bactéries intestinales et l'absorption d'autres médicaments, comme ceux utilisés dans des traitements anti-VIH ou contre l'hypertension, auxquels ne réagissent pas toujours bien les patients.
