"Généralement, les gens expliquent la violence comme le produit d'un manque de maîtrise de soi", explique David Chester, professeur de psychologie sociale de Virginia Commonwealth University. "Dans le feu de l'action, nous échouons souvent à inhiber nos pires impulsions les plus agressives". Mais les travaux du chercheur viennent ébranler cette idée préconçue : l'agressivité peut également être le résultat d'une maîtrise de soi "réussie".
L'agressivité se planifie aussi !
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont étudié le comportement et le psychisme de personnes agressives par le biais d'une méta-analyse des travaux existants sur les sujets en psychologie et neurologie. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, leur personnalité ne se caractérise pas par une faible autodiscipline. De plus, les programmes de formation visant à améliorer la maîtrise de soi, n'ont pas réussi à réduire les tendances violentes de ces individus.
"Les personnes vengeresses ont tendance à faire preuve d'une plus grande préméditation de leur comportement et de leur maîtrise de soi. Ce qui leur permet de retarder la satisfaction de la vengeance et d'attendre leur heure pour infliger un maximum de représailles à ceux qui, selon elles, leur ont fait du tort", explique David Chester dans un communiqué. "Même les personnes psychopathes, qui constituent la majorité des personnes qui commettent des infractions violentes, présentent souvent un développement robuste de la maîtrise de soi inhibitrice au cours de leur adolescence", ajoute le psychologue.
Agressivité et contrôle de soi : le cortex préfrontal en cause ?
Une des révélations majeures de cette étude concerne l'activité cérébrale des individus agressifs. Les chercheurs ont découvert qu'un comportement agressif est lié à une activité accrue - et pas seulement réduite - dans le cortex préfrontal du cerveau, zone responsable de la "maîtrise de soi".
"Cet article va à l'encontre d'un récit dominant depuis des décennies dans la recherche sur l'agressivité, selon lequel la violence commence lorsque la maîtrise de soi s'arrête", ajoute le Pr Chester. "Au lieu de cela, il plaide pour une vision plus équilibrée et nuancée dans laquelle la maîtrise de soi peut à la fois limiter et faciliter l'agressivité, selon la personne et la situation."
Repenser la prévention et le traitement des comportements violents
Les conclusions de cette étude soulèvent des questions importantes quant à la manière de prévenir et de traiter les comportements violents. Les scientifiques appellent à "une plus grande prudence dans la mise en œuvre de traitements, de thérapies et d'interventions qui visent à réduire la violence en améliorant la maîtrise de soi".
"De nombreuses interventions cherchent à apprendre aux gens à inhiber leurs impulsions. Mais, cette nouvelle approche de l'agressivité suggère que bien que cela puisse la réduire pour certaines personnes, elle est également susceptible d'augmenter l'agressivité pour d'autres", a précise l'auteur principal de l'article paru dans la revue Social and Personality Psychology Compass début juillet. "En effet, nous apprenons peut-être à certaines personnes comment mettre en œuvre au mieux leurs tendances agressives."
Le Pr Chester et son équipe prévoient de continuer à explorer les questions relatives à l'agressivité et à la maîtrise de soi dans de nouvelles études afin de mieux comprendre les mécanismes en place.