Le repas en famille, prôné par tous les nutritionnistes, a du plomb dans l'aile. Même les bébés ne sont plus conviés autour de la table familiale. L'étude Nutri Bébé 2013, qui a analysé les comportements alimentaires et les apports nutritionnels chez les 0 à 3 ans, présentée le 26 novembre, révèle que 15 % des bébés de quinze jours à trois mois mangent déjà devant une distraction (télévision et autres écrans). Le phénomène ne fait qu’augmenter avec l’âge, précisent ces derniers. Au total, 2 % des enfants de 0 à 3 ans mangent devant un écran. Face à ces technologies, l’enfant appuie sur un bouton ou une icône, il a une réponse immédiate, il n’apprend ni à se concentrer ni à gérer sa frustration.
Des rations caloriques plus importantes devant la télé
« Cela a des conséquences sur son alimentation : l’enfant n’analyse pas ses perceptions (goût, odeur, toucher...), il supporte mal l’attente. Plus dommageable encore, le repas se déroule sans communication, sans partage et sans échange », explique le psychiatre Boris Cyrulnik. Mais ce n'est pas tout, outre l’altération de la convivialité des repas si importante à cet âge, la télévision à table a des répercussions également du point de vue alimentaire. Par exemple, un enfant qui mange devant la télévision consomme une ration calorique plus importante, il avale machinalement sans savourer son repas, sans se rendre compte des quantités absorbées.
Dans la cuisine ou sur le canapé
Dans cette étude (1), le Syndicat Français des Aliments de l'Enfance (SFAE) a interrogé 1 188 mamans de bébés âgés de 15 jours à moins de 36 mois. Pour obtenir des résultats au plus près de la réalité, deux visites ont été réalisées au domicile de chaque foyer par des enquêteurs professionnels. Chaque enquêteur a eu pour mission de recueillir les réponses des mamans sur leurs comportements vis-à-vis de l’alimentation de leur bébé. Et un autre danger, très contemporain, a fait son apparition dans les familles. C'est le nomadisme alimentaire : on mange dans la cuisine, sur le canapé, devant la télé, dans le jardin, de manière continue ou fragmentée en fonction de ses activités. L’enfant, qui peut se déplacer tout seul, peut même après son repas « profiter » ensuite de ce que mangent les parents ; il va chaparder un bout de frite par ci, un morceau de pizza par là. C’est ainsi que certains aliments sont introduits trop tôt, pouvant induire des conséquences sur la santé de l’enfant. Or, pour le Pr Jean-Pierre Corbeau, sociologue à l’Université de Tours, « un repas familial pris dans un climat serein est essentiel. Il s'agit d'un moment d’échanges privilégiés pour la famille et de découverte pour l’enfant. » « C'est structurant », conclut-il.
Des mamans cools mais consciencieuses
Les mamans actuelles semblent aussi plus « cools » à table. Elles dédramatisent et sont plus tolérantes face aux désirs de leur bébé. Résultat, quand les mamans retrouvent leur enfant, le temps du repas reste un moment de complicité et de plaisir. D’ailleurs, au moment de la diversification, vers 5 mois, près de la moitié des mamans déclare ne pas insister quand leur enfant refuse de consommer certains aliments et accepter ce refus sans doute pour que ce moment du repas reste un moment de plaisir et non de conflit. Toutes ces mamans ne sont pas laxistes pour autant, 30 % d’entre elles proposent une autre fois l’aliment à leur enfant, souligne l'étude.
Le lâcher prise des mamans à un an
Mais cette vigilance est temporaire. Car vers 12 mois, les enquêteurs ont observé un lâcher prise autour du mode d’alimentation de l’enfant qui se met à manger comme les grands. Pour expliquer cette rupture alimentaire, les auteurs de l'enquête font remarquer qu'il y a une forme de mimétisme du petit qui, à un an, est plus socialisé. Il voit les autres manger et veut les imiter. A la maison, il réclame ce qu’il a vu en collectivité.
Par ailleurs, l’acquisition de la marche vers 1 an est une étape importante. Les parents supposent, dès lors, que leur enfant est grand. Ainsi, les parents pris par les contraintes professionnelles et personnelles, cherchent à se simplifier la vie. Les précautions qu’ils ont appliquées pendant 12 mois au nourrisson sont à leurs yeux devenues inutiles. Résultat, leur enfant réclame un aliment, ils lui donnent.
Une erreur, selon les experts de l'alimentation infantile interrogés dans cette enquête. Selon eux, « un enfant qui commence à manger autre chose que du lait avant quatre mois, va augmenter son risque d’obésité à l’âge adulte et majore de manière importante son risque de maladies allergiques.
En outre, avant trois ans, l’excès de protéines fatigue les reins et pourrait augmenter le risque de surpoids ou d’obésité. »