- Les chaleurs extrêmes peuvent nuire à la santé cognitive, mais de manière inégale au sein de la population, d’après une étude.
- Ce sont surtout les personnes de couleurs âgées, et celles habitant dans des quartiers défavorisés qui sont les plus touchées.
- Plusieurs facteurs, comme l’impact du racisme sur la réserve de cognition, peuvent expliquer ce phénomène.
Le changement climatique n’est pas anodin pour la santé. Les très fortes chaleurs constituent une grave menace pour la santé publique. "Nos recherches révèlent qu'une exposition cumulative à la chaleur extrême peut nuire à la santé cognitive", explique Eunyoung Choi, première auteure d'une étude, publiée dans la revue Journal of Epidemiology and Community Health. "Mais, elle le fait de manière inégale dans la population", précise-t-elle.
En effet, les effets néfastes des températures élevées sur la santé cérébrale semblent surtout toucher les groupes vulnérables comme les personnes âgées de couleur et celles qui vivent dans des quartiers défavorisés.
Comment la chaleur extrême affecte le cerveau ?
Le déclin cognitif est la baisse des facultés sensorielles et intellectuelles due à l'âge ou à une maladie. "Il peut ne pas se manifester immédiatement après un seul épisode de chaleur, mais des expositions répétées ou prolongées à des chaleurs extrêmes peuvent être préjudiciables", explique Virginia Chang, professeur agrégé de sciences sociales et comportementales à la NYU School of Global Public Health (New-York aux Etats-Unis) et auteure principale de l'étude.
Selon les auteurs, la chaleur extrême peut déclencher une cascade d'événements dans le cerveau, notamment des dommages cellulaires, une inflammation et un stress oxydatif, tous susceptibles d'épuiser les réserves cognitives d'une personne.
Vague de chaleur : les plus pauvres sont les plus impactés
Pour mener leurs travaux, les scientifiques ont analysé les données de près de 9.500 adultes américains âgés de 52 ans et plus, interrogés sur une période de 12 ans (2006-2018). Ils ont constaté qu'une forte exposition à des températures élevées était associée à un déclin cognitif plus rapide chez les habitants des quartiers pauvres, mais pas chez les résidents de zones plus aisées.
"Les quartiers aisés ont tendance à disposer de ressources qui peuvent être utiles en cas de vague de chaleur, comme des espaces verts bien entretenus, l'air conditionné et des centres de rafraîchissement. Dans les quartiers défavorisés, ces ressources peuvent ne pas exister", explique Haena Lee, professeur adjoint de sociologie à l'université de Sungkyunkwan, en Corée du Sud, et coauteur de l'étude.
D'autres facteurs associés aux quartiers défavorisés (stress chronique, isolement social plus important et moins de services spécialisés dans la santé cognitive) pourraient également contribuer à cette disparité.
Pic de chaleur : il faut des mesures pour protéger les populations vulnérables
Ces travaux, menés aux USA, ont mis en évidence que l'exposition à la chaleur extrême était spécifiquement liée à un déclin cognitif plus rapide chez les Afro-américains âgés. Ce n’était pas le cas chez les seniors blancs ou hispaniques (l'étude n'avait pas suffisamment de participants d'autres origines pour les inclure dans l'analyse).
"L'une des explications possibles de ces résultats est que les personnes âgées noires peuvent avoir subi de manière disproportionnée des désavantages systémiques tout au long de leur vie en raison du racisme structurel, de la ségrégation et d'autres politiques discriminatoires, qui peuvent tous affecter la réserve cognitive", explique Virginia Chang.
Pour les chercheurs, les gouvernements et les responsables de la santé doivent développer des outils permettant d'identifier les résidents à risque face aux fortes températures et de cartographier leurs besoins spécifiques afin de leur offrir un soutien ciblé pendant les pics de chaleur.
"Face à des températures élevées, notre étude révèle que les populations vulnérables connaissent des désavantages aggravés", conclut Eunyoung Choi. "La chaleur extrême est une grave menace pour la santé publique et, dans le contexte du changement climatique, nous devons nous concentrer sur le soutien des groupes à risque afin de bâtir des communautés résilientes".