Selon des travaux de l'École polytechnique fédérale de Zurich (ETH Zurich) présenté dans la revue The Lancet Diabetes & Endocrinology, la musique n'adoucit pas seulement les mœurs. Elle peut aussi aider à réguler l'insuline. Les scientifiques de l'établissement suisse ont développé des cellules de synthèse produisant de l’insuline lorsqu'une musique est jouée. Les résultats ont été particulièrement bon avec "We Will Rock You" du groupe Queen.
Des cellules de synthèse stimulées par la musique pour produire de l'insuline
Les chercheurs travaillent depuis longtemps sur des solutions pour faciliter la régulation de la glycémie et l'administration de l'insuline aux personnes atteintes de diabète. L'équipe suisse a, pour sa part, eu l'idée d'enfermer des cellules de synthèse produisant de l'insuline dans des capsules pouvant être implantées dans l'organisme. Ces dernières libèrent l'insuline quand une onde sonore précise est émise à proximité.
Pour ce projet, les scientifiques se sont inspirés d'une protéine issue de la bactérie E. coli, qui réagit aux stimuli mécaniques et régule l'afflux d'ions calcium à l'intérieur de la cellule. "Les chercheurs ont incorporé le modèle de ce canal ionique bactérien dans les cellules productrices d’insuline humaine. Cela permet à ces cellules de créer elles-mêmes le canal ionique et de l’intégrer dans leur membrane", précise le communiqué d'ETH Zurich.
Alors, lorsque le canal des cellules de synthèse s'ouvre en réponse à un son, les ions calcium chargés positivement peuvent circuler. Cela conduit à une inversion de charge dans la membrane cellulaire, ce qui entraîne la fusion des minuscules vésicules remplies d'insuline à l'intérieur de la cellule avec la membrane cellulaire puis la libération de l'insuline vers l'extérieur (soit l'organisme du diabétique).
Traitement du diabète : "We Will Rock You" pourrait aider à libérer l'insuline
Les scientifiques ont mené des expérimentations pour déterminer quelles fréquences et quels niveaux de volume étaient les plus efficaces pour activer les canaux ioniques et déclencher la libération d'insuline. Ils ont découvert que des niveaux de volume autour de 60 décibels (dB) et des fréquences basses de 50 hertz étaient les plus efficaces. De plus, ils ont constaté que pour obtenir une libération maximale d'insuline, le son ou la musique devait continuer pendant au moins trois secondes et s'arrêter pendant au maximum cinq secondes. Si les intervalles étaient trop espacés, moins d'insuline était libérée.
Les chercheurs ont également examiné quels genres musicaux provoquaient la réponse insulinique la plus forte à un volume de 85 dB. La musique rock avec des basses percutantes, comme la chanson de Queen, "We Will Rock You", a obtenu les meilleurs résultats. Elle est suivie de la bande originale du film d'action The Avengers.
"We Will Rock You a déclenché environ 70 % de la réponse insulinique en 5 minutes, et la totalité en 15 minutes. Ceci est comparable à la réponse insulinique naturelle induite par le glucose chez des individus en bonne santé", explique l'auteur de l'étude Martin Fussenegger. En revanche, le classique et les titres joués à la guitare n'obtenaient pas de bons résultats.
Une technologie prometteuse pour l'administration d'insuline
Pour tester cette technologie, l'équipe a implanté les cellules productrices d'insuline chez des souris et les a placées de manière à ce que leur ventre soit directement sur un haut-parleur. Les scientifiques ont observé une réponse insulinique lorsque la musique était jouée. En revanche, s'ils laissaient les rongeurs se déplacer librement, la musique ne parvenait pas à déclencher la libération d'insuline.
"Nos cellules de conception libèrent de l'insuline uniquement lorsque la source sonore avec le bon son est jouée directement sur la peau au-dessus de l'implant", explique l'auteur Martin Fussenegger. De plus, la libération de l'hormone n'a pas été déclenchée par des bruits ambiants comme celui des avions, des tondeuses à gazon, des sirènes des pompiers ou des conversations.
Par ailleurs, les dépôts d'insuline dans les cellules ont besoin de quatre heures pour se reconstituer complètement une fois épuisés. Cet élément réduit le risque d'hypoglycémie potentiellement mortelle selon les auteurs. Ils précisent également que d'autres recherches et des développements supplémentaires seront nécessaires avant que cette technologie soit utilisée pour réguler la glycémie.