Avoir de la personnalité est reconnu comme une qualité humaine. Et pourtant, ces traits que révèle notre façon d'être peuvent, lorsqu'ils deviennent excessifs, caractériser ce que l'on appelle un trouble de la personnalité. On estime qu'environ 10% des personnes seraient atteintes de ces troubles qui, lorsqu'ils sont modérés, ne perturbent pas l'existence de ceux qui en souffrent, voire peuvent s'atténuer au fil du temps, mais qui peuvent aussi être à l'origine de problèmes psychologiques et de perturbations de la vie sociale très handicapants.
Du caractère ou "caractériel" ?
Ces troubles ont été définis dans la détail par le DSM 5, manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, ouvrage de référence établi par l'Association américaine de psychiatrie. Mais il existe d'autres méthodes pour déterminer si une personne a tout simplement du caractère ou si elle est "caractérielle". Et parmi ces méthodes, celle dite du "Big Five".
Alors, que dit ce fameux test et quels sont les critères sur lesquels il s'appuie ? Voilà un des moyens de savoir si vous souffrez ou non de troubles de la personnalité, même si, comme le relativise le Pr Michel Lejoyeux, psychiatre, il est surtout un outil "qui permet de ne pas caractériser trop vite une personne".
Les cinq dimensions de la personnalité
1 - Premier critère, première de ces cinq dimensions de la personnalité, l'extraversion. "Elle définit l'ouverture aux autres, la capacité à avoir de bonnes relations sociales, à savoir exprimer ses émotions", souligne le Pr Lejoyeux. "Evidemment, le trouble existe lorsque l'on est en présence de l'opposé, l'introversion, c'est à dire quand une personne garde tout pour elle, ne parvient pas à s'exprimer ou est angoissée par le fait de s'exprimer", explique le psychiatre.
2 - Autre dimension, la stabilité émotionnelle, celle qui permet de faire face aux aléas et aux défis de la vie. "C'est vraiment celle qui fait la différence entre celles et ceux qui, globalement, vont bien, qui ne sont ni anxieux ni déprimés, et ceux qui vont être en permanence dans des à-coups émotionnels, passant par des phases de tristesse, d'anxiété ou de dépression", précise le Pr Lejoyeux. De tels états nécessitent, selon lui, "une approche médicale pour voir si cette instabilité émotionnelle n'est pas un indice d'une maladie caractérisée".
3 - Le troisième critère, c'est l'ouverture à l'expérience, "la capacité à tolérer l'incertitude", analyse le psychiatre qui prend comme exemple ce qui s'est passé durant la crise sanitaire. "On a vu à ce moment-là ceux qui étaient totalement tétanisés parce que les choses ne se passaient pas comme d'habitude, pour qui la vie devenait compliquée, et ceux qui, au contraire, étaient capables d'être ouverts à des expériences nouvelles, ce qui est un facteur de protection, voire de résilience", précise le Pr Lejoyeux.
4 - Quatrième dimension de ce "Big Five", la conscience, définie comme la tendance d'une personne à être organisée, fiable. "Cette dimension, c'est ce que l'on appelle le sentiment de cohérence, le fait de trouver que ce que l'on fait est cohérent par rapport à ses valeurs, par rapport à l'expérience d'une personne et il y a aussi dans cette dimension la notion de sens, la capacité à donner à chacune des actions que l'on mène du sens, c'est à dire à intégrer au quotidien notre vie dans nos objectifs à long terme, ce qui est particulièrement important dans l'exercice professionnel -où la question du sens est régulièrement questionnée aujourd'hui- et lorsque l'on n'a pas cette conscience-là on est en difficulté", explique le Pr Lejoyeux. Les conséquences d'une conscience faible ? "Le fait d'être impulsif et aussi ce sentiment que l'on voit dans le début du burn-out, penser que rien ne sert à rien, exprimer une forme de cynisme", répond le psychiatre.
5 - Derniere de ces cinq dimensions, l'agréabilité. "Un pur barbarisme, un mot qui n'existe pas en Français !", pour le Pr Michel Lejoyeux. "Mais cette dimension est importante, c'est à la fois la capacité à entrer en relation avec les autres, à nourrir des relations sociales, un peu comme l'extraversion, mais aussi cela définit l'empathie, la capacité à ressentir les émotions des autres; il ne faut pas croire que ce qui nous rend agréables, c'est ce que l'on dit ou que l'on exprime, ce qui nous rend agréables c'est savoir écouter l'autre, savoir s'accorder à l'autre; l'agréabilité vient plus de notre compréhension de l'autre plutôt que d'une sorte de show que l'on ferait qui nous rendrait, ou pas, agréable", ajoute-t-il.
" On n'a pas bon ou mauvais à ce type de test de personnalité"
Alors, à partir de ces critères, est-on une personne "normale" ou souffre-t-on de troubles de la personnalité ? "On n'a pas bon ou mauvais, rassure le Pr Lejoyeux, au fond, lorsque l'on fait passer ce type de test, on est tous un peu au milieu, avec des tendances".
L'occasion pour le psychiatre de réaffirmer les limites de tels outils, voire de la classification faite dans le DSM 5 : "C'est trop facile de mettre en boîte une personnalité ! D'ailleurs même les auteurs du DSM rappellent que c'est un instrument de recherche, un instrument statistique mais en aucun cas un guide clinique ! En fait ce DSM résume les clés pour savoir si vous avez ou non une personnalité pathologique en quatre questions : la première, est-ce que je suis capable de savoir qui je suis, ce qui compte vraiment pou moi et qui fonde mon identité profonde; la deuxième, est-ce que je suis capable de m'autodéterminer, est-ce ue je suis capable de réfléchir de manière constructive et de me débrouiller; la troisième, est-ce que j'ai des capacités d'empathie, savoir se mettre à la place de l'autre sans changer soi-même de place; la quatrième c'est est-ce que je tolère l'intimité, il y a des gens qui sont de grands séducteurs mais dès que quelqu'un rentre dans leur vie, ils ne le supportent pas, c'est vrai en amitié, c'est vrai dans le travail et on retrouve beaucoup dans les personnalités pathologiques cette capacité à être en show-off mais pas dans l'intimité".