- Pourquoi Docteur : En quoi la médiation peut-elle être intéressante dans les affaires concernant la santé ?
Me F.X. Gosselin : La médiation est intéressante, en santé comme dans d’autres domaines, parce qu’elle permet à des parties qui sont en litige, en conflit ou peut-être même déjà en procédure de trouver une solution amiable qu’elles vont construire elles-mêmes. Elles ne remettent pas leur différend à un juge ou à un arbitre, elles décident, par l’intermédiaire d’un médiateur de construire la solution qui leur permettra de sortir de leur différend.
Le plus souvent elles font cela dans l’idée de pouvoir poursuivre ultérieurement leur relation ou parce que la crainte d’un procès long, incertain, difficile, coûteux, leur laisse penser qu’il est préférable de trouver une solution à la fois négociée et coconstruite. C’est en cela que cela diffère de beaucoup d’autres modes alternatifs, comme les commissions de conciliation.
- Est-ce que ce n’était pas justement l’objectif de la loi Kouchner de 2002 sur le droit des patients qui a créé des commissions de conciliation censées éviter une judiciarisation des conflits entre patients et professionnels de santé et qui traitent aujourd’hui environ la moitié de ces affaires ?
Ces commissions ne permettent de voir que les contentieux qui opposent les professionnels de santé à des patients. Tout le reste du contentieux de la santé, entre praticiens, entre praticiens et établissements, avec les organismes sociaux ne relève pas de la compétence des CCI.
Les CCI ont effectivement été créées par la loi Kouchner et tout diffère entre elles et la médiation. D’abord, elles n’émettent qu’un avis que les parties suivront ou ne suivront pas et si elles ne souhaitent pas le suivre, elles partiront en procédure devant un tribunal. Et puis les Cci sont composées d’un certain nombre de professionnels de santé ou de personnes particulièrement intéressées par la santé qui contribueront à l’avis. Et la différence fondamentale avec la médiation c’est tout d’abord que les parties ne participent pas à la décision ou à l’avis, elles ne font qu’émettre leur opinion comme dans une procédure, et ensuite elles ne discutent pas entre-elles de la solution à construire.
Donc il y a une différence vraiment profonde entre la commission de conciliation qui permet effectivement d’émettre un avis et de trouver une solution rapide par l’intermédiaire de professionnels de santé et la médiation qui invite les parties à se concentrer elles-mêmes sur leur propre solution.
- Et quelle est la place de la médiation en cas de saisine du Conseil de l’Ordre ?
C’est vrai que les procédures ordinales prévoient également une phase de conciliation. Mais d’abord rien n’interdit aux parties, conventionnellement, de dire que, avant que l’Ordre soit saisi, elles pourraient discuter entre elles. Rien n’interdit non plus aux parties, lorsqu’une conciliation a échoué devant la juridiction ordinale, de poursuivre leur discussion dans un cadre de médiation qui présente le double avantage du délai et de la confidentialité -par définition et par effet de la loi, la médiation est en effet totalement confidentielle- et d’informer l’Ordre si un accord est trouvé parallèlement et qu’il n’y a plus lieu à une procédure. Après, l’Ordre, s’il a décelé une infraction déontologique peut décider de poursuivre sa procédure, mais c’est dans ce cas tout à fait distinct. En tout cas, d’un point de vue civil, la médiation permet de parvenir à une solution.
- Qui des parties peut choisir d’avoir recours à une médiation ?
Tout est possible. Il peut tout d’abord y avoir une médiation conventionnelle qui est prévue à l’origine : M.X passe un contrat avec M. Y qui prévoit que s’il y a une difficulté, avant toute autre réaction ils passeront par une médiation. Des parties qui sont en conflit peuvent intelligemment se parler et se dire qu’avant de partir en procédure elles essaieront de trouver une solution médiée. Ou bien les parties, lorsqu’elles ont lancé une procédure, peuvent être invitées par le juge, sans que celui-ci puisse leur imposer, à tenter une médiation. Et cela peut se faire à toute étape de la procédure, y compris devant la Cour de Cassation.
- En matière de santé, il y a parfois des affaires qui, au départ opposent deux parties, par exemple patient contre médecin ou médecin contre établissement mais qui, finalement, concernent le plus grand nombre. Est-ce que la médiation ne risque pas de ne pas laisser la justice faire une partie importante de son travail qui est de défendre les intérêts de la société en général et pas seulement de régler un différend entre deux parties ?
Il ne faut pas oublier que la médiation a un aspect conventionnel. Ce qui signifie que les parties sont libres d’entrer dans le processus de médiation mais libres aussi à tout moment d’en sortir. Autrement dit, personne ne peut imposer à quelqu’un de participer à une médiation. C’est une démarche volontaire. Si bien que l’on peut douter que sur des affaires d’importance, sur des affaires qui nécessitent que la société soit représentée, des parties décident de partir en médiation. Et de toute façon, le médiateur ne peut accepter une médiation que s’il n’y a pas infraction à l’ordre public. Et ensuite rien n’interdit à la justice, et en particulier à la justice pénale, lorsqu’elle a connaissance d’une infraction de mettre en place une procédure spécifique.