"Rien n’est acté, toutes les pistes sont ouvertes", a tenu à préciser d’entrée la ministre Agnès Firmin-Le Bodo qui a rappelé que le texte sur l’accompagnement de la fin de vie reposait sur trois parties, les soins palliatifs, le droit et la protection des personnes et l’ouverture du droit de l’aide à mourir. C’est bien sûr sur ce dernier point que l’essentiel des débats devraient porter lors de l’examen du texte lorsqu’il arrivera à l’Assemblée nationale.
Jusqu’ici, c’est sur la loi Claeys-Leonetti adoptée en 2016 que reposent les conditions de l’organisation de la fin de vie, une loi qui, selon la ministre, "ne répond pas à toutes les situations", ce qui, selon elle, expliquerait que 75% des Français, comme ils l’ont exprimé dans plusieurs sondages, "veulent que la loi évolue".
"Rétablir le mot 'mort' me semble important"
Si le sujet de l’aide à mourir est en fait le cœur de ce texte, le mot "euthanasie" ne figure pas dans le projet de loi. Pourquoi ? Prudence, volonté de cacher une notion propre à nourrir les polémiques ? "L’idée n’est pas d’euphémiser ou d’évacuer le sujet de la mort, répond la ministre, ce débat rappelle ce qu’est notre parcours de vie, un jour on naît, un jour on meurt, et l’on a, pour des raisons sans doute de crainte par rapport à la mort, souvent écarté ce terme, on parle de fin de vie, on dit ‘il est parti’ ; or les débats que nous avons eu pour la préparation de ce texte nous ont montré que nos concitoyens ont besoin de parler de cela, donc rétablir le mot ‘mort’ me semble important parce que c’est de cela dont il s’agit".
"Des références à l'histoire qui peuvent heurter"
Mais alors, pourquoi ne pas parler d’euthanasie ? "Nous avons lancé plusieurs réflexions sur le mot euthanasie, sur les mots suicide assisté, à titre personnel suicide assisté m’a toujours posé une interrogation sur la conjonction entre le mot suicide et le mot assisté et le mot euthanasie fait parfois certaines références à l’histoire qui peuvent heurter, donc l’idée est bien de parler d’aide à mourir".
La position d’une partie des médecins, d’ailleurs exprimée par l’Ordre qui refuse l’euthanasie et s’est déclaré défavorable à la participation des médecins au fait de provoquer volontairement la mort, est évidemment en lien avec l’absence dans le texte sur la fin de vie de ce mot ‘euthanasie’. "Provoquer intentionnellement la mort d’une personne à sa demande est aujourd’hui considéré comme un crime dans le code pénal", a d’ailleurs rappelé le Dr Jean-Paul Ortiz en interrogeant la ministre sur un éventuel changement de la loi pénale si le projet de loi qu’elle doit présenter devait être adopté. "L’euthanasie active est en effet considérée comme un crime et même comme un meurtre par certains qui sont opposés à l’évolution de la loi -donner la mort est jugé par beaucoup de médecins comme ne faisant pas partie du soin- et c’est tout le sujet du projet de loi", a souligné Agnès Firmin-Le Bodo.
"La modalité de l'aide à mourir n'est pas tranchée"
Reste que cette question revient sans cesse, notamment à travers les modalités pratiques de l’aide à mourir. "La modalité et l’effectivité de cette aide à mourir n’est pas tranchée", a-t-elle reconnu. Un des grands points d’interrogation réside en effet dans l’un des critères posés pour l’autoriser : un pronostic vital engagé à moyen terme. "Un pronostic vital engagé, et à quel terme, cela nécessite tout de même une définition… Dans la pratique médicale, comment avoir une perspective à moyen terme ?", a souligné le Dr Jean-Paul Ortiz. "La loi Claeys-Leonetti parle de court terme et ce court terme a été défini comme étant quelques heures, quelques jours voire quelques semaines", a rappelé la ministre avant de faire référence à la situation dans l’état américain de l’Oregon où l’aide à mourir a été mise en place il y a 25 ans et où le moyen terme est défini à six mois avec une réflexion en cours sur l’éventualité de le porter à 12 mois. "Si on ne peut pas définir clairement ce qu’est le moyen terme, il est important de donner une perspective et le moyen terme, ce serait plutôt effectivement entre 6 et 12 mois puisque définir un pronostic vital à moyen terme c’est compliqué et il est important de pouvoir se donner une ligne, ne serait-ce que par rapport au court terme posé dans la loi Claeys-Leonetti".