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Témoignage patient

Dermatite atopique : "Je dois faire attention à ce que je mange, aux vêtements que je porte"

Par Thierry Borsa

Elle concerne en France un enfant sur dix et disparaît fréquemment à l'adolescence. Mais la dermatite atopique peut aussi perdurer à l'âge adulte. Au lendemain de la journée internationale qui a été consacrée le 4 septembre à cette maladie, le témoignage d'une patiente, Marjolaine Hering, qui, à plus de 40 ans, vit toujours sous la menace de poussées d'eczéma.

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- Pourquoi Docteur : Vous souffrez de dermatite atopique, une maladie aussi appelée eczéma. A quel moment s'est-elle déclarée ?

Marjolaine Hering : J'avais environ 18 mois. Le diagnostic a été fait par le pédiatre qui me suivait à l'époque, cela a été assez rapide, il n'y a pas eu d'errance diagnostique mais plutôt une errance thérapeutique ! Mes parents avaient fait un choix en faveur d'un traitement alternatif alors que je souffrais d'un eczéma très très fort. J'ai eu tout ce qu'on peut imaginer, un magnétiseur, un énergéticien et surtout pas mal d'homéopathie. Mais pendant toute cette période, on m'expliquait que c'était dans la tête...

- Est-ce que, au-delà des démangeaisons, de la souffrance, cette maladie vous a posé des problèmes durant votre enfance ?

Mes premiers souvenirs, c'est vers 5 ans, à peu près vers la fin de la maternelle où ça s'est vraiment intensifié. J'avais un eczéma vraiment généralisé, plutôt sévère, suintant, très visible et assez douloureux. J'avais la peau à vif en fait sur quasiment tout le corps, donc physiquement c'était compliqué et psychologiquement aussi, bien sûr. Là, oui, cela crée des problèmes à l'école avec les autres enfants. Donc on voit tout ce que ça implique quand on est un peu différent, des moqueries, etc. Aussi avec certains instituteurs qui faisaient des remarques sur le fait que je ratais trop souvent la classe. Il y a également des gens qui avaient peur que ce soit contagieux, qui me mettaient à l'écart, qui ne voulaient pas que je j'approche des autres. Donc ça a été assez compliqué.

Eczéma : "la cause héréditaire m'a été confirmée"

- A quel moment avez-vous bénéficié d'un traitement adapté ?

Vers l'âge de seize ans, j'étais en seconde, j'ai demandé à consulter un dermatologue, ce qui n'avait pas été fait jusque-là. J'ai commencé à chercher des informations et à avoir un peu plus d'informations sur les causes. C'est assez flou. La cause héréditaire m'a été confirmée après cinq mois dans ma famille au sein de laquelle d'autres personnes souffrent aussi d'eczéma. Après, savoir pourquoi chez une personne ça se manifeste ou pas... Mais j'ai pu avoir accès à des traitements classiques, de la cortisone, des dermo-corticoïdes. Et le soleil me faisait aussi de l'effet : déjà lorsque j'étais enfant, les seules périodes durant lesquelles je n'avais pas d'eczéma, c'était en juillet et en août.

- Cette maladie se déclare effectivement durant l'enfance et disparaît souvent à l'âge adulte. Cela n'a pas été le cas pour vous. Savez-vous pourquoi ?

Non on ne m'a pas dit pourquoi, mais effectivement on sait que chez la plupart des patients ça se calme après l'adolescence, mais il n'y a pas vraiment d'explication. Pourquoi est-ce que chez certains ça persiste ? Je n’ai toujours pas de réponse là-dessus. Il faut vivre avec une maladie chronique et on va dire que je compte sur le fait d'espacer les crises, avec l'espoir de les voir disparaître pendant plusieurs années.

"J'ai des crises qui peuvent être déclenchées très simplement quand il fait très chaud, que je transpire, que je fais du sport"

- Où en êtes-vous aujourd'hui avec les symptômes de cette maladie ?

Aujourd'hui je suis traitée et je vis des moments où je suis en rémission et des moments de poussée qui sont déclenchés par beaucoup de facteurs. C'est un des problèmes de la maladie, il y a pas mal de facteurs déclenchants et ça demande d'être vigilant. Malgré tout, les crises peuvent quand même arriver. J'ai eu une très grosse crise qui a été qui a été déclenchée par une allergie alimentaire, parce que j'ai développé une allergie au gluten, au blé. Ensuite, par exemple, j'ai des crises qui peuvent être déclenchées très simplement quand il fait très chaud, que je transpire, que je fais du sport. En hiver, quand il fait très froid, je vais avoir des crises. Après il y a aussi le stress qui peut rentrer en jeu, en fonction des patients.

- Devez-vous en dehors des précautions à prendre contre des allergies alimentaires, suivre un régime spécifique ?

On préconise aux patients de manger équilibré. Comme dans beaucoup de maladies chroniques. Et on est quand même en présence d'une maladie inflammatoire, donc on essaye d'éviter les aliments qui favorisent l'inflammation comme le sucre ou les aliments transformés. On doit privilégier une alimentation à base de fruits, de légumes, de céréales.

- Quelles précautions devez-vous prendre pour les soins du corps, votre toilette par exemple ?

J'utilise uniquement des produits spécifiques puisque les produits courants sont trop agressifs pour la peau. Pour les peaux atopiques, on a des gammes en pharmacie comme des huiles de lavande, des produits sans savon, sans parfum, sans alcool. Une des problématiques de l'eczéma, c'est la fragilité de la barrière cutanée. Donc on veut préserver cette barrière le plus possible. Et puis les crèmes, les émollients sont hyper importants, ils font partie du traitement de fond et sont spécifiques.

- Quel impact a encore aujourd'hui cette maladie sur votre quotidien ?

Alors ça a moins d'impact que ça pu en avoir parce que je contrôle les crises. Mais néanmoins, il y a quand même des crises, ce qui implique d'avoir toujours une batterie de médicaments prête parce que, notamment, consulter un dermatologue, c'est compliqué. Même à Paris, on a des délais de de rendez-vous qui sont de 3 à 6 mois. Donc si on a une crise, il faut être prêt, c'est un peu contraignant. Et puis il faut que je fasse attention à ce que je mange, aux vêtements que je porte. Malgré tout, quand il y a des crises qui surviennent et qu'on ne sait pas vraiment pourquoi, il faut les gérer, elles peuvent être plus ou moins longues avec des démangeaisons qui peuvent être très importantes. Cela impacte évidemment la vie quotidienne, notamment le sommeil.

- Vous pratiquez la danse. En quoi cette activité vous a aidée ?

Très tôt, j'ai dansé. Cela m'a permis, quand j'étais enfant, de m'échapper de tout ça, ce que je vivais avec les gamins et d'oublier un peu, de me réconcilier avec le corps. Donc voilà, la danse ou le yoga, ce sont aussi des activités qui amènent à des sensations agréables et positives.

- Vous faites partie d'une association qui rassemble des patients souffrant eux aussi de dermatite atopique. Cet engagement est important pour vous ?

Oui, cela permet de rencontrer d'autres personnes qui traversent les mêmes choses, d'échanger sur ce qu'on vit, ce qu'on a vécu. Il y a beaucoup de familles qui font partie de cette association, des parents qui cherchent des réponses pour leurs enfants. Et moi, c'est vrai que je me dis qu'informer les parents permettra peut- être que les gens évitent ce qui m'est arrivé à moi, le fait de ne pas avoir été traitée très jeune. Et puis ça permet d'avoir des informations justement sur les traitements, la maladie, de rencontrer aussi des professionnels, des dermatologues, des médecins.

Dermatite atopique : "si j'ai un message à passer, c'est de ne pas avoir peur des traitements pour soulager les symptômes"

- Justement, à propos des traitements, y a-t-il des innovations qui permettent une meilleure prise en charge de la maladie ?

Depuis quelques années, il existe des bio thérapies. Et il y a des traitements qui sont réservés aux eczémas modérés à sévères, qui sont accessibles uniquement à l'hôpital. Ce sont quand même des traitements coûteux, Mais en tout cas, ça donne un espoir. Notamment moi je sais que si un jour le traitement classique ne suffit pas, j'aurai cette option que je pourrai tester pour soulager les symptômes au maximum. C'est une belle avancée pour les patients. Après plusieurs décennies on va dire sans évolution, cela bouge beaucoup ces dernières années.

- Quel serait votre message pour ceux qui, comme vous, souffrent de dermatite atypique ?

Je pense que si j'ai un message à passer, c'est de ne pas avoir peur des traitements pour soulager les symptômes. Ce qui n'empêche pas d'aller essayer de traiter aussi le fond. Mais souvent, quand on a des maladies de peau, il y a pas mal de gens qui hésitent à utiliser les crèmes, qui trouvent que c'est un traitement trop superficiel. Je pense que c'est quand même important d'être traité pour aller mieux dans sa tête.