Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est un trouble courant chez les nourrissons : près de deux tiers des bébés de 4 à 5 mois souffrent de ces remontées du contenu de l'estomac vers l'œsophage. Lorsque les régurgitations sont très importantes et chroniques, les pédiatres peuvent prescrire des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) pour soulager les symptômes. Cependant, une récente étude, menée en France, a révélé qu'ils ne sont pas sans risque pour les tout-petits.
L'article, co-signé par les membres d'EPI-Phare, est paru dans la revue JAMA Pediatrics mi-août.
IPP et risque d'infection : une cohorte de plus de 1,2 million d'enfants
Le groupement français de chercheurs a découvert que les IPP augmentent le risque d’infections graves chez les bébés. Les scientifiques sont parvenus à cette conclusion après avoir analysé les données de plus de 1,2 million d'enfants nés entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2018 en France.
Parmi ces petits patients, 606.645 avaient pris des IPP pour soigner un reflux gastro-œsophagien ou d'autres troubles liés à l'acidité gastrique.
En comparant les dossiers médicaux des enfants exposés aux IPP avec ceux qui ne l'étaient pas, les chercheurs ont constaté une corrélation entre l'utilisation des inhibiteurs de la pompe à protons et un risque accru d'infections graves. Le traitement anti-acide rend les tout-petits plus vulnérables aux infections touchant le tube digestif (+53 %), la sphère oto-rhino-laryngologique (+43 %), les voies respiratoires inférieures, les reins, les voies urinaires ou encore le système nerveux. Un risque d'infections bactériennes et virales est aussi observé.
Les IPP perturberaient les défenses immunitaires des bébés
Les chercheurs rappellent que l'acidité gastrique constitue une défense pour l'enfant en tuant les agents pathogènes ingérés. Ils avancent ainsi qu'en "augmentant le pH gastrique, les IPP modifient le microbiote gastrique, favorisant ainsi le développement des mauvaises bactéries et les infections". L'équipe ajoute également que ces médicaments peuvent "affecter directement de multiples fonctions du système immunitaire. Plus précisément, ils pourraient interférer avec diverses fonctions des neutrophiles (type de globules blancs, NDLR)".
Bébé : prudence avec les IPP
Face à ces résultats, les chercheurs recommandent de limiter l'utilisation des inhibiteurs de la pompe à protons chez les nourrissons. Ils ont écrit dans leur communiqué : "dans cette étude, l’utilisation des IPP a été associée à des risques accrus d’infections graves chez les jeunes enfants. Les inhibiteurs de la pompe à protons ne devraient pas être utilisés sans indication claire dans cette population".
Dans sa fiche d'octobre 2022, la Haute Autorité de Santé rappelait que "la grande majorité des nourrissons ayant des régurgitations a un reflux gastro-œsophagien non-pathologique qui ne relève pas d’un traitement par IPP, selon les données cliniques". Elle recommande ainsi que la prescription du médicament soit "réservée aux nourrissons âgés de plus de 1 mois et aux enfants ayant un RGO persistant et gênant, s’accompagnant de complications ou survenant sur un terrain particulier, si possible après avis spécialisé".