La campagne « Manger Bouger » a-t-elle porté ses fruits ? C’est ce que se sont demandé les étudiants de l’Ecole de management de Grenoble (Isère). Lors d’un colloque à Paris, la responsable des recherches, Carolina Werle, a rendu compte de résultats… pour le moins surprenants.
L’obésité progresse
Face à l’évolution de l’obésité en France, le gouvernement a mis en place des stratégies de prévention. Elles insistent sur une alimentation équilibrée et une bonne hygiène de vie, surtout auprès du public jeune. Mais connaître les bonnes pratiques ne signifie pas qu’on les applique.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les campagnes n’ont pas atteint leurs objectifs, à savoir réduire l’obésité dans le pays. Les enquêtes ObEpi-Roche, réalisées régulièrement, permettent d’observer l’évolution du nombre d’obèses en France. La campagne « Manger-Bouger » et le Plan National Nutrition Santé ont été lancés en 2001. L’année précédente, l’obésité touche 11,3% de la population adulte selon l’étude ObEpi, en 2012, elle concernait 15% de la population.
L’effet est contraire
Pourquoi la campagne « Manger Bouger » ne fonctionne-t-elle pas ? Deux études menées sur des étudiants et des lycéens ont observé l’impact des slogans préventifs sur ce public. Des étudiants ont observé une photo du célèbre BigMac, le burger star de la chaîne McDonald’s. Certaines affiches contenaient un slogan de la campagne, d’autres non. Après le test, les participants ont pu choisir en récompense un bon d’achat pour une glace ou un sachet de fruits frais de la chaîne.
Le message sanitaire n’a pas porté ses fruits. Pire, note Carolina Werle : il a eu un effet contraire à celui escompté. Les étudiants qui ont vu le slogan ont été plus nombreux à choisir la glace (82%) que ceux qui ne l’ont pas vu (65%). L’explication de ce paradoxe est très simple pour cette spécialiste du marketing. Le slogan sanitaire vient agir comme « une justification de la consommation hédoniste » : il véhicule des valeurs positives autour du produit. Conséquence : au lieu d'être repoussés, les jeunes sont attirés par les produits assortis de messages préventifs.
Des arguments mal choisis
Une seconde expérience a été menée auprès de lycéens dans une Zone d’éducation prioritaire (ZEP). Elle a étudié l’efficacité d’un slogan sanitaire par rapport à un slogan social. Encore une fois, jouer sur l’aspect « santé » n’est pas concluant. En revanche, insister sur l’aspect négatif du surpoids en société porte ses fruits. L’argument « trop de forme, pas en forme ! » était moins bien intégré que celui affirmant que « repas équilibrés, amis à volonté ! »
Cette fois encore, c’est l’image véhiculée qui touche les adolescents. « Les campagnes actuelles se concentrent sur l’argument santé et négligent l’argument social alors que les adolescents sont particulièrement sensibles aux normes sociales et à l’influence de leurs pairs, » analyse Carolina Werle.
Cette observation vient confirmer ce qu’on soupçonnait déjà, à la lumière des études autour des campagnes anti-tabac. Les adolescents ne tiennent pas compte de l’aspect sanitaire d’un message de prévention. Ils sont même plus attirés par un message qui se veut répulsif : un produit que l’on tente d’interdire aura plus d’attrait.