Deux actualités marquent cette rentrée sur le plan de la santé. D’une part l’arrivée d’un nouveau traitement préventif contre la bronchiolite des nourrissons après une saison 2022-2023 où la maladie a touché un enfant sur cinq avec une forte augmentation des formes sévères nécessitant des hospitalisations qui ont parfois saturé le système de soins. D’autre part, l’annonce par le ministre de la Santé le 15 septembre de l’avancée de la campagne de vaccination contre la Covid. Elle démarrera le 2 octobre alors que la date initialement prévue était le 17 octobre, une décision liée, selon Aurélien Rousseau à « une circulation plus marquée du virus ».
Le retour attendu de la Covid-19
- Est-on déjà face à une nouvelle épidémie de Covid ?
« Oui, depuis début septembre, et même la fin du mois d’août, on a quand même pas mal de cas et lorsque l’on fait des prélèvements, ils sont assez fréquemment positifs, dans 20 à 25% des cas; c’est beaucoup, même si la quasi-totalité des cas que l’on voit ne sont pas graves ! », répond Robert Cohen en donnant une précision qui peut toutefois inquiéter : « Cette nouvelle épidémie risque de toucher plus les enfants, ce qui ne veut pas dire qu’ils auront des formes graves, mais depuis mars 2022 nous n’avons pas eu de grosse épidémie de Covid, ce qui veut dire que tous les enfants nés depuis cette date ne sont pas du tout immunisés ! Je suis plus inquiet pour le nombre d’enfants qui risquent d’être touchés par le SARS-CoV-2 que par le virus de la bronchiolite ».
- Ce retour de la Covid, peut-on déjà estimer son ampleur, sa gravité ?
« Cette épidémie ne devrait pas être si importante que ça pour les formes graves de la maladie », rassure Robert Cohen qui justifie toutefois l’avancée de la campagne de vaccination :« Si le vaccin est disponible, autant qu’on le fasse tout de suite, protégeons notamment les sujets à risque ».
"Le scénario d'une épidémie de grande ampleur est peu probable"
Et à propos de l’une des conséquences le plus graves des précédentes vagues de Covid, la saturation des services hospitaliers, le Pr Cohen reste optimiste : « Le scénario d’une épidémie de très grande ampleur qui augmente les hospitalisations de façon importante est peu probable ».
En revanche, il déplore une faiblesse dans la surveillance du virus : « Le ministre de la Santé doit renforcer les réseaux de surveillance pour avoir très tôt les bons outils pour dépister les phénomènes épidémiques, or on a très vite arrêté ces réseaux pour des raisons budgétaires », remarque Robert Cohen qui insiste aussi sur la nécessité d’avoir « les outils de réponse ».
- Se dirige-t-on vers un retour du port du masque ?
« Je ne dis pas que dans la situation épidémiologique actuelle on doit remettre le masque systématiquement. J’ai développé la théorie de la dette immunitaire qui peut générer des épidémies de très grande ampleur parce que l’on a porté le masque en permanence et donc réduit la possibilité d’être immunisé. Mais dès que l’on voit que l’épidémie repart, les mesures d’hygiène dont le masque sont nécessaires », explique Robert Cohen
- Faut-il tester davantage ?
Sur l’importance de se tester comme moyen de contenir une épidémie de Covid, le Pr Robert Cohen souhaiterait un dispositif plus rapide et moins coûteux : « Depuis très tôt dans la pandémie, je me suis battu pour des tests antigéniques qui sont suffisamment sensibles pour surveiller des épidémies. Cela n’exclut pas que l’on fasse des PCR de temps en temps pour les malades les plus graves mais il faut arrêter leur utilisation systématique avant toute hospitalisation ».
Bronchiolite : de nouveaux traitements après une saison 2022-2023 catastrophique
- Pourquoi une épidémie de bronchiolite 2022-2023 aussi intense ?
Pour Robert Cohen, une des explications de l’intensité de l’épidémie de bronchiolite la saison dernière serait une des conséquences de la crise sanitaire : « Quand on a porté tous des masques pour se protéger du virus responsable de la Covid, les virus respiratoires qui se transmettaient de la même façon que le SARS-CoV-2 ont moins circulé, or la plupart de ces virus respiratoires ne procurent qu’une immunité courte dans le temps et on sait que les épidémies de bronchiolite surviennent quand le taux d’anticorps des mères est suffisamment bas pour que le virus qui provoque la bronchiolite, le VRS, puisse toucher une grande partie de la population ».
"On peut espérer qu'il y ait moins d'infections cette saison"
"On s’est retrouvé en septembre 2022 avec une large partie de la population non immunisée et l’épidémie a flambé. J’ai une image qui montre bien ce qui s’est passé : lorsqu’un conducteur jette son mégot par la fenêtre de sa voiture lorsqu’il a plu, cela ne va pas s’enflammer mais si cela se produit en pleine période de sécheresse, l’incendie part et on ne peut plus le contenir ».
- Quelles prévisions peut-on faire pour la saison 2023-2024 ?
Les années où il y a eu une très forte épidémie, l’année suivante l’épidémie est moins forte parce que les mères transmettent un taux d’anticorps plus élevé. « On peut donc espérer que, naturellement, il y ait moins d’infections cette saison », affirme le Pr Cohen en insistant sur les effets positifs à attendre des nouveaux traitements.
- Quels sont les nouveaux traitements pour prévenir la bronchiolite du nourrisson ?
La HAS a autorisé depuis le 15 septembre l’administration pour les nouveaux-nés d’un nouveau traitement injectable basé sur des anticorps monoclonaux. Dans le même temps, les autorités de santé américaines ont donné leur feu vert à un vaccin destiné aux femmes enceintes, autre moyen de prévention de la bronchiolite qui pourrait être disponible en France dès l’année 2024.
- Quel niveau de protection apporteront ces deux traitements ?
« Pour le nouveau-né, traitement par anticorps ou vaccin, c’est la même chose. Soit il reçoit des anticorps monoclonaux extérieurs soit il reçoit ceux de sa mère puisque le projet derrière est un vaccin à administrer pendant la grossesse qui devrait arriver dès l’année prochaine et qui va permettre le transfert des anticorps au bébé », répond le Pr Cohen qui pense que leur efficacité sera comprise entre 70 et 85%.
"On pourrait réduire de 6.000 à 8.000 le nombre de bronchiolites"
Mais il met en garde contre la tentation de faire un lien systématique entre l’arrivée de ces traitements et une éventuelle baisse de l’intensité de l’épidémie lors de la saison à venir. « Il faudra comparer entre ceux qui auront reçu l’immunisation et ceux qui ne l’ont pas reçue, le nombre de cas ne sera pas significatif puisque nous sommes dans une saison qui suit une épidémie intense. La baisse du nombre de cas ne suffira donc pas à démontrer ou non l’efficacité du traitement préventif ».
- Grâce à ces traitements, pourra-t-on mettre fin aux épidémies saisonnières de bronchiolite ?
« On ne fera pas disparaître la bronchiolite ! », martèle le Pr Cohen. Et d’expliquer que sur 30.000 nourrissons hospitalisés par an en moyenne, le VRS n’est responsable que de 70% des cas, le reste étant dû à d’autres virus respiratoires sur lesquels ni les anticorps monoclonaux ni le futur vaccin ne fonctionneront. « Sur ces 20.000 cas causés par le VRS, tous les parents ne vont pas accepter que leur enfant ait une injection et le produit ne sera pas efficace à 100%. Mais cela pourrait tout de même réduire de 6 à 8.000 le nombre de bronchiolites : ce qui permettrait d’éviter les tensions dans le système de soins qui mettent les enfants en danger », estime Robert Cohen.