À la fin des années 90, le Japon a observé des adolescents et jeunes adultes se couper progressivement de la société et vivre reclus dans leur chambre pendant plusieurs mois, voire années. Ces "reclus" majoritairement masculins ont été appelés "des hikikomoris" par les Nippons. Tout d’abord vu comme un problème typiquement japonais, il semble s’étendre à d’autres pays. Un phénomène qui inquiète les professionnels.
Hikikomori : qu’est-ce que cette forme grave de retrait social ?
L'hikikomori est une forme de retrait social pathologique et extrême. Les personnes qui en souffrent, présentent trois caractéristiques importantes :
- un enfermement au domicile : certains patients restent même reclus dans une seule pièce (le plus souvent leur chambre) ;
- un isolement social continu d'au moins 6 mois ;
- des déficiences fonctionnelles ou détresses importantes : anxiété généralisée à l’idée de sortir, sentiment de ne pouvoir répondre aux attentes de la société, évitement des interactions sociales.
Cette peur de l’extérieur apparaît généralement à l'adolescence ou au début de l'âge adulte. Elle conduit souvent les patients à rester dépendants de leur parents. "Cependant, l'apparition après la trentaine n'est pas rare, et les femmes au foyer et les personnes âgées qui répondent aux critères ci-dessus peuvent également recevoir le diagnostic”, précise un article publié dans la revue World Psychiatry en 2020.
La Covid-19 a boosté le phénomène hikikomori dans le monde
Selon des estimations reprises par le Figaro, environ un million de personnes vivraient ainsi enfermées chez elles au Japon. Cela représente près de 3,3 % de la population âgée de 15 à 50 ans du pays. Le syndrome d’hikikomori touche de plus en plus d’Occidentaux et le phénomène s’est accéléré avec la pandémie du SARS-CoV-2.
"Lorsque la Covid-19 a frappé, les gens ont commencé à passer plus de temps seuls, à entrer dans leurs propres grottes", explique le psychiatre américain Dr Alan Teo qui a étudié ce trouble dans un communiqué. "Cela a affecté notre façon de vivre. De plus, la technologie nous incite à regarder nos écrans et pas forcément à nous regarder dans les yeux. Je pense que tous ces facteurs poussent davantage de personnes vers un risque de hikikomori", ajoute l’expert.
Isolement social extrême : un outil pour mieux le diagnostiquer
"Les patients qui ont entendu parler du hikikomori ne savent toujours pas de quoi il s'agit exactement ou comment ils pourraient être évalués cliniquement", explique le Dr Alan Teo dans un communiqué. "Les membres de la famille ont cherché des thérapeutes et des psychiatres capables de les aider, et ils se sont retrouvés dans une impasse".
Pour aider les professionnels de santé à mieux appréhender ce trouble anxieux et le distinguer des autres formes de maladie mentale, le psychiatre a développé un outil d'évaluation diagnostique Hikikomori (ou HiDE). Il comporte des éléments et des questions d'entretien structurées spécifiques permettant aux médecins de diagnostiquer la maladie.
Le Dr Teo prévoit de compléter HiDE avec des conseils cliniques pour traiter réellement la maladie une fois qu'elle aura été diagnostiquée avec précision. "Nous ne savons pas quels traitements fonctionnent et quels traitements ne fonctionnent pas", reconnaît-il. "Nous nous efforçons de faire les choses une étape à la fois. Vous ne pouvez pas traiter quelque chose si vous ne pouvez pas vous entendre sur ce que c'est et si vous ne pouvez pas le diagnostiquer en premier lieu".