Chaque année, environ 700.000 personnes sont concernées par une infection causée par des bactéries résistantes aux antibiotiques. L’antibiorésistance se traduit par une inefficacité d’un ou de plusieurs antibiotiques contre une infection bactérienne. De plus en plus fréquent, ce phénomène présente de nombreux dangers pour la santé mondiale. "De nouveaux mécanismes de résistance apparaissent et se propagent dans le monde entier, compromettant notre capacité à traiter les maladies infectieuses courantes. Pour un nombre croissant d’infections, comme la pneumonie, la tuberculose, la septicémie et la gonorrhée et les maladies d'origine alimentaire, le traitement devient plus difficile, voire impossible parfois, du fait de la perte d’efficacité des antibiotiques", prévient l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Les produits désinfectants pourraient-ils favoriser la résistance aux antibiotiques ?
Dans une récente étude publiée dans Nature Microbiology, la Dr Liping Li, chercheuse au Centre d’excellence ARC en biologie synthétique de l’École des sciences naturelles de l’Université Macquarie (Australie), et son équipe ont observé la manière dont les bactéries résistantes aux antibiotiques interagissent avec les biocides (détergents, eau de Javel…). Des produits que nous connaissons bien puisque qu'ils sont souvent utilisés par les hôpitaux pour désinfecter, mais aussi dans nos domiciles lors du ménage.
Comme l’a précisé la Dr Liping Li, les superbactéries résistent aux biocides utilisés dans les hôpitaux alors que les concentrations de ces produits désinfectants sont normalement suffisamment élevées pour les tuer. Afin de comprendre ce mécanisme, les chercheurs ont procédé à un séquençage de la bactérie Acinetobacter baumannii, un agent pathogène résistant aux antibiotiques très redouté, exposé à un panel de dix biocides.
Le rôle des biocides dans l’antibiorésistance : une hypothèse envisagée
Résultats : huit des dix biocides testés, lorsqu’ils étaient utilisés à faible concentration, pouvaient "désénergiser" la membrane d'une cellule bactérienne, ce qui compromettait la pénétration des antibiotiques dans la cellule bactérienne. "Cela nous a conduits à émettre l'hypothèse que ces biocides s'opposent aux antibiotiques, qui doivent pénétrer dans la cellule de la superbactérie pour atteindre leurs cibles et déclencher les mécanismes de destruction", a noté la Dr Liping Li.
Néanmoins, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer cette théorie. "Les résultats de notre étude suggèrent que les résidus de biocides pourraient compromettre l'efficacité des antibiotiques, du moins en laboratoire (…) Mais nous ne pouvons pas prédire si cela est vrai dans un scénario réel, car cela nécessite des recherches plus approfondies. Nous espérons que notre étude sensibilisera à l'utilisation judicieuse des biocides et encouragera la recherche dans ce domaine", ont conclu les scientifiques.