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Santé de la femme

Avortement : où en est-on au niveau mondial ?

Par le Dr Caroline Pombourcq

Le congrès de la FIGO 2023 vient d’avoir lieu et a laissé une place à l’avortement dont les différences d’accès au sein de chaque pays sont importantes. L’accent a été mis sur l’importance de cette accessibilité à l’IVG dans les meilleures conditions sanitaires.

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La FIGO est une alliance mondiale de sociétés nationales d'obstétrique et de gynécologie. Sa mission est d'améliorer la santé et le bien-être des femmes et des jeunes filles, mais aussi de réduire les disparités en matière de soins de santé.
Les disparités en matière d’accès à l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) au niveau mondial sont importantes.
Les causes des obstacles à l’avortement sécurisé et à sa légalisation sont multiples : politiques, idéologiques, religieuses, économiques, pharmaceutiques, ou liées à une faible démographie médicale, ou à une réticence de certains professionnels de santé.

En France, l’avortement est légal. Il est même sérieusement envisagé de le faire figurer dans la Constitution française. Mais qu’en est-il dans les autres pays ?

C'est à l’occasion du congrès international de la FIGO 2023 qui s’est déroulé du 9 au 12 octobre 2023 que certaines informations ont été délivrées. En voici un petit aperçu.

FIGO : une organisation professionnelle de plus de 130 associations du monde entier

Il faut savoir que la Fédération internationale de gynécologie et d'obstétrique (FIGO), organisatrice de ce congrès, est une alliance mondiale de sociétés nationales d'obstétrique et de gynécologie. Sa mission est d'améliorer la santé et le bien-être des femmes et des jeunes filles, mais aussi de réduire les disparités en matière de soins de santé. Elle considère que la liberté de choix en matière de procréation est un principe fondamental et non négociable permettant de garantir les droits de l'Homme de toute personne susceptible de tomber enceinte.

Les disparités en matière d’accès à l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) au niveau mondial sont importantes. La FIGO précise que certains pays ont réussi à traduire leurs lois en un véritable accès à l'avortement sans risque, mais d'autres n'y sont pas parvenus. Aujourd'hui, 60 % des femmes en âge de procréer vivent dans des pays où l'avortement est généralement légal, et 40 % dans des pays où les lois sur l'avortement sont restrictives.

Avortement : une cause importante de décès maternel

Le Pr Bo Jacobsson, chef du département d'obstétrique, de gynécologie et de pédiatrie de l'université de Göteborg (Suède), insiste sur le fait que « les principales complications responsables de la plupart des décès maternels sont l'hémorragie post-partum, l'infection, la septicémie, les maladies hypertensives de la grossesse, y compris la prééclampsie ou l'éclampsie et les avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité ».

Selon lui, « toutes les femmes, y compris les adolescentes, doivent avoir accès à la contraception, à des services d'avortement sûrs et à des soins post-avortement de qualité ».

D’ailleurs le Pr Ivonne Diaz Yamal, directrice de la division Santé et bien-être sexuels et reproductifs de la FIGO et directrice scientifique de l'unité de fertilité Procreación Medicamente Asistida (Clinique Marly, Bogota, Colombie), recommande très sérieusement un accès à une IVG plus sûre. Elle décrit que « la situation de l'avortement médicalisé dans le monde est actuellement très mauvaise. Certains pays n'ont aucune possibilité d'accès à l'avortement médicalisé. Chaque année, la situation évolue, mais pas en bien. Par exemple, aux États-Unis, l'arrêt Roe vs Wade [de 1973] a été annulé et certains États imposent désormais des restrictions à l'accès à l'avortement médicalisé. Cela ne devrait pas être possible, car il s'agit d'un droit de l'Homme. La FIGO est la voix des femmes du monde entier pour la protection de ces droits ».

Avortement : des pratiques clandestines risquées

En Afrique et en Amérique latine, dans les pays à très faible revenu et dans les pays à revenu intermédiaire, le taux de mortalité est élevé, en partie parce que les femmes n'ont pas accès à un avortement sûr. En effet, lorsque l’avortement leur est refusé, elles se dirigent vers des personnes qui leur proposeront un avortement « clandestin » qui comporte de gros risques d’infection, de mutilations ou de décès. Pour mémoire, l'avortement à risque est défini comme une procédure visant à mettre fin à une grossesse non désirée, pratiquée soit par des personnes ne disposant pas des compétences nécessaires, soit dans un environnement non conforme à des standards médicaux suffisants, soit les deux à la fois.

Le Dr Laura GIL, gynécologue-obstétricienne en Colombie et présidente du comité de la FIGO pour l’accès à une IVG sûre, précise que « l'avortement est un soin de santé essentiel et la majorité des pays du monde ont au moins dépénalisé les soins liés à l'avortement - au cours des 30 dernières années, plus de 60 pays ont libéralisé leurs lois sur l'avortement. Par exemple, dans mon pays, la Colombie, le mouvement Causa Justa, auquel j'ai activement participé en tant que médecin militant pour la dépénalisation de l'avortement, a obtenu que l'avortement sur demande soit reconnu comme un droit jusqu'à 24 semaines et, par la suite, sur la base d'exceptions spécifiques ». Le Dr Gil milite avec ferveur pour que l’avortement se fasse dans les meilleures conditions, afin d’éviter toute complication.

Avortement : des obstacles multiples à l’IVG sécurisée et légalisée

La Dr Médessé Véronique Tognifodé, gynécologue-obstétricienne, enseignante-chercheuse et femme politique au Bénin, nous précise qu’il y a peu de chiffres sur les avortements clandestins car c’est un sujet tabou. Elle explique les conditions des avortements au Benin qui ne peuvent d’ailleurs être effectués que par un médecin, une sage-femme, un infirmier habilités.

Les causes des obstacles à l’IVG sécurisée et à sa légalisation sont multiples : politiques, idéologiques, religieuses, économiques, pharmaceutiques, ou liées à une faible démographie médicale, ou à une réticence de certains professionnels de santé.

Selon la FIGO, il est nécessaire d’intégrer la santé et les droits sexuels et reproductifs (SDSR) et l'éducation au bien-être dans les structures de base de tous les programmes des écoles de médecine (engagement de la Fédération internationale de gynécologie et d'obstétrique (FIGO), de la Fédération internationale des associations d'étudiants en médecine (IFMSA) et de l'Association mondiale des stagiaires en obstétrique et en gynécologie (WATOG). Et pour elle, Il faut également éduquer les femmes pour améliorer leur accès à leurs droits (l'accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs est un droit humain fondamental et non négociable).

Sachant que chaque année 35 millions de femmes recourent à des méthodes risquées pour mettre fin à leur grossesse lorsqu’elles n’ont pas eu accès à une IVG de manière légale et bien entourée, la FIGO espère faire bouger les choses pour que chaque femme et chaque jeune fille puissent avoir accès à des pratiques sécurisées pour leur bien-être et leur santé.