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Pseudo-thérapies complémentaires

Dérives sectaires en santé : l'offensive des mutuelles

Par Afsané Sabouhi

Les gourous profitent de l’attrait des Français pour les médecines alternatives. La Miviludes et la Mutualité Française s’associent pour faire le tri dans les thérapies complémentaires.

MATT BRASHEARS/AP/SIPA

« Les sectes et les pseudo-thérapeutes en tout genre ont parfaitement su tirer profit d’Internet, que ce soit pour repérer les personnes vulnérables sur les forums de patients ou pour inonder la toile de soi-disant résultats positifs de leurs méthodes », s’alarme Serge Blisko, président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).


Pour contrer ces stratégies de communication qui piègent chaque année de plus en plus de Français rendus vulnérables par la maladie ou la souffrance d’un proche, la Miviludes pourra désormais compter sur le concours des quelques 500 mutuelles fédérées au sein de la Mutualité Française. Son Président, Etienne Caniard, doit signer ce matin avec Serge Blisko pour la Miviludes une convention-cadre visant à mener des actions communes de prévention sur les dérives sectaires potentielles dans le domaine de la santé. « Avec les revues mutualistes, la plateforme grand public Priorité Santé Mutualiste ou encore les réunions organisées localement par ses antennes régionales, la Mutualité Française nous apporte une véritable force de frappe, une formidable opportunité de sensibiliser le grand public aux dangers des dérives sectaires », affirme Serge Blisko.


Il y a urgence car les mouvements sectaires s’abritent derrière l’engouement des Français pour toutes les médecines dites alternatives, naturelles ou complémentaires. 4 Français sur 10 ont aujourd’hui recours à ces thérapies et ils sont 6 sur 10 parmi les malades du cancer. « Parmi les près de 3000 signalements que la Miviludes a reçu au cours de l’année, la part de la santé est en hausse, elle représente aujourd’hui 30% des signalements. Heureusement, il n’y a pas un groupe sectaire derrière chacune de ces dérives thérapeutiques », souligne le président de la Miviludes.


Identifier les charlatans et les gourous

Toute la difficulté est de faire la part des choses entre une thérapie complémentaire bénéfique, par exemple dans la lutte contre la douleur, et une méthode miracle pouvant cacher une dérive sectaire. Pour Serge Blisko, il faut s’inquiéter lorsque le « thérapeute » impose de substituer sa méthode aux traitements conventionnels suivis jusqu’alors. « C’est toute la différence entre une thérapie complémentaire et une alternative. Quand on pousse un malade du cancer à arrêter sa chimiothérapie en le convaincant que sa maladie provient d’un traumatisme psychologique d’ordre familial comme dans la « nouvelle médecine germanique » ou qu’on lui conseille de préférer le jus de fruit ou une méthode d’imposition des mains comme le reiki, il y a grand danger », insiste le président de la Mission.


Ecoutez Serge Blisko
, président de la Miviludes : « Certaines médecines complémentaires sont très utiles pour améliorer le confort du malade. Mais quand on prétend soigner le cancer de quelqu’un en lui prescrivant de boire sa propre urine, il faut dire halte ! »


Le corps médical a aussi un rôle à jouer dans l’information du grand public. Les Français font, en effet, très majoritairement confiance à leur médecin traitant mais n’abordent que très rarement avec lui les thérapies complémentaires auxquels ils ont recours. « Si les médecins classiques faisaient l’effort de comprendre le besoin qu’ont leurs malades de se tourner vers les thérapies complémentaires et arrêtaient de tourner le sujet en dérision, ils pourraient ouvrir le dialogue et jouer un rôle précieux pour aider leurs patients à discerner les pratiques dangereuses », souligne Serge Blisko, lui-même médecin de formation.

Piéger des malades vulnérables comme Steve Jobs

Car en face, le discours est particulièrement bien rôdé et séduisant pour convaincre des malades, souvent isolés et désemparés.

 

Ecoutez Serge Blisko, président de la Miviludes : « Avec ma méthode, vous n’avez pas besoin de vous faire opérer et vous n’aurez aucun effet secondaire. Tout le monde a envie d’entendre ça ! Evidemment c’est plus séduisant que le chirurgien qui vous propose d’opérer sans être sûr que ça va marcher à 100% »


La maladie et la douleur peuvent ainsi rendre vulnérables même les esprits les plus informés et les plus rationnels. « Steve Jobs est l’exemple terrible et parfait d’une personne tombée aux mains de naturopathes divers et variés, cite Serge Blisko. On ne peut pas dire si préférer une alimentation riche en fruits plutôt que l’ablation de sa tumeur l’a tué mais ce qui est sûr, c’est que ça ne l’a vraiment pas aidé à guérir ».