- Une nouvelle étude française montre un lien entre les leucémies pédiatriques et le fait d’habiter à proximité de vignes.
- Plus précisément, l'association a été établie entre l’étendue de la surface couverte par les vignes dans un périmètre de 1.000 mètres autour de l’adresse des enfants.
- “Maintenant, qu’allons-nous faire de ces données ? Actuellement, le cadre législatif impose une distance de 10 mètres entre les surfaces viticoles et les habitations, alors qu’il faudrait une mesure de protection de 200 mètres", nous affirme le Dr Pierre-Michel Périnaud, président de l’association Alerte des Médecins sur Les Pesticides.
Les pesticides sont des produits utilisés pour “protéger” les cultures agricoles des insectes, des “mauvaises herbes”, de certains champignons ou encore “d’autres nuisibles”. En clair, ces substances chimiques détruisent des organismes vivants et sont donc également susceptibles d’entraîner des effets néfastes à l’être humain. Outre les risques de réactions allergiques cutanées ou oculaires, d’irritations cutanéo-muqueuses, de vomissements, ou encore de gêne respiratoire pour les travailleurs intoxiqués, “des études épidémiologiques ont mis en évidence des liens entre l’exposition aux pesticides et le risque d’apparition de pathologies cancéreuses, neurologiques ou encore de troubles de la reproduction”, rappelle le site du Ministère de la Santé et de la prévention.
Une nouvelle étude française montre aujourd’hui un lien entre les leucémies de type lymphoblastique (le cancer pédiatrique le plus fréquent en France) et le fait d’habiter à proximité de vignes. Les résultats ont été publiés dans le journal Environmental Health Perspectives.
Pesticides : une association entre leucémie pédiatrique et surfaces des vignes
“La plupart des études réalisées en France et à l’international se sont intéressées au lien entre le risque pour les enfants de développer cette maladie et l’usage de pesticides par la mère au domicile, pendant et après la grossesse”, expliquent les chercheurs dans un communiqué. Le risque lié à une exposition environnementale aux pesticides n’était en revanche que très peu documenté. “Les travaux disponibles jusqu’ici ont donné lieu à des résultats hétérogènes du fait notamment de la difficulté à obtenir des données fiables sur la localisation exacte de la résidence des enfants, l’étendue et la localisation des parcelles agricoles, le type de culture cultivée sur ces parcelles, l’utilisation de pesticides sur ces parcelles et le cas échéant la quantité et le type de pesticides utilisés.”
Pour mener cette étude, les scientifiques français ont utilisé les données du Registre national des cancers de l’enfant sur la période 2006-2013. Durant ce laps de temps, 3.711 enfants de moins de 15 ans ont été atteints de leucémie en France métropolitaine. Un groupe témoin composé de 40.196 enfants non malades du même âge pendant la même période a été utilisé pour comparer les données. “Enfin, la présence et la surface en vignes autour de ces coordonnées ont été évaluées en utilisant des cartes permettant de repérer les cultures agricoles, construites pour cette étude par Santé publique France”, précise l’Inserm.
Les analyses montrent une association entre l’étendue de la surface couverte par les vignes dans un périmètre de 1.000 mètres autour de l’adresse des enfants et leur risque de développer une leucémie de type lymphoblastique. “Ce risque augmente de façon modérée en fonction de la surface couverte par les vignes : en moyenne pour chaque augmentation de 10 % de la part couverte par les vignes dans le périmètre de 1.000 mètres, le risque de leucémie lymphoblastique augmente de près de 10 %.” Ces associations sont plus nettes en Pays de la Loire, Grand-Est, Occitanie, et Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse.
Les chercheurs ont fait un deuxième constat : “la simple présence de vignes à moins de 1.000 mètres de l’adresse de résidence ne semble pas en soi être un facteur de risque de leucémie”.
Leucémie, vignes et pesticides : quelle est la suite ?
“On attendait la publication de cette étude depuis un moment déjà”, nous raconte le Dr Pierre-Michel Périnaud, président de l’association Alerte des Médecins sur Les Pesticides “Maintenant, qu’allons-nous faire de ces données ? Actuellement, le cadre législatif impose une distance de 10 mètres entre les surfaces viticoles et les habitations, alors qu’il faudrait une mesure de protection d'au moins 200 mètres. Par deux fois, on a contesté cela en Conseil d’État, par deux fois on a gagné, et par deux fois il ne s’est rien passé ! Soit l’État a remis la même copie, soit il a modifié à la marge son texte… Donc on se dit qu’est-ce qu'on peut faire ? La situation est bloquée. On a donc décidé de prendre le problème par un petit bout en commençant par la protection des écoles. Ça serait déjà un premier pas qui permettrait de mettre du monde autour de la table et montrer qu'on ne va pas continuer à mettre les études scientifiques de côté.”
De son côté, l’association de défense de l’environnement Générations Futures appelle également à “une extension forte des zones non traitées en bordure des cultures”, mais aussi à “un accès complet et en temps réel aux données d’utilisation des pesticides à la parcelle” et à la mise en place par l’État d’un vaste plan de conversion de l’agriculture vers un modèle agricole “vraiment durable”.