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Témoignage patient

AVC : "J'ai eu un mal de tête foudroyant"

Par Youssra Khoummam

En France, chaque année, plus de 130.000 accidents vasculaires cérébraux surviennent, soit un toutes les quatre minutes. Gladys Mbemba témoigne de ce qu'elle a vécu.

tommaso79/istock
Gladys a vécu un AVC passé 40 ans.
Elle a développé désormais de l'anxiété, de la fatigue chronique et doit maintenant anticiper et fractionner toutes ses activités pour être la plus performante possible.
"Lehandicap invisible ne se voit pas mais se ressent. Du fait de son invisibilité il reste souvent incompris. Souvent ignoré, il peut conduire à un isolement social."

Un mal de tête foudroyant et intense, une douleur rapide le long de la nuque, de la colonne vertébrale et du bassin... Incapable de le deviner, Gladys était bel et bien en train de faire un AVC, seule chez elle. C’était il y a un an et demi, explique-t-elle : "J’ai eu un AVC de type hémorragique, cela s’est passé le 22 avril 2022, c’est une rupture d’anévrisme que j’ai eue, plus précisément". Ayant déjà des maladies chroniques, elle minimise son mal de tête, prend un cachet de paracétamol et part se reposer. Le bon réflexe ? Elle décide d’appeler sa mère pour l’en aviser, et c’est elle qui lui met la puce à l’oreille : "Elle me dit par téléphone 'ne t’endors pas, tu fais peut-être un AVC', chose à laquelle je ne réfléchissais pas. J’ai pourtant été sauveteuse secouriste du travail, j’ai été briefée à reconnaître un AVC chez les collègues sauf que c’était les symptômes communs tels que le visage paralysé, les troubles du langage, la moitié du corps paralysée, et moi, je n’ai pas eu ça. J’ai eu un mal de tête."

Attaque cérébrale : "Comme je n’avais que ce mal de tête, je ne paraissais pas malade"

Les pompiers sont vite arrivés à son domicile, mais la prise en charge a quant à elle été plus longue. L’AVC a commencé aux alentours de 11 heures, mais Gladys a été vue par un médecin sept heures plus tard, soit à 18 heures. Selon elle, elle ne paraissait pas malade ou du moins… pas en urgence vitale : "Je supporte assez bien la douleur ; comme je n’avais que ce mal de tête, je ne paraissais pas malade. J’ai même pu partir aux toilettes seule, j’étais capable de me déplacer et de parler. Mais le mal de tête me gênait beaucoup et ne passait pas."

En fin de journée, le médecin lui fait passer un scanner avec contraste. Ivre de fatigue, Gladys n’a que des flashbacks de sa nuit, mais elle se souvient qu’au petit matin, on lui annonce sa rupture d’anévrisme dans une unité gérée par des neurochirurgiens. L’un d’eux lui explique ce qu'il lui est arrivé, nous dit-elle : "C’est un anévrisme qui a éclaté, au niveau d’une artère, donc il y a du sang dans le cerveau."

"J’ai dû consulter une orthophoniste qui a posé le diagnostic : l’AVC avait bel et bien endommagé ma mémoire du travail" 

Elle est placée sous anesthésie générale dans une salle de radiologie interventionnelle, les médecins arrivent jusqu’au cerveau en passant par l’artère fémorale, qui se situe au niveau de l’aine. Ce qui lui a valu dix-sept jours de réanimation et environ une semaine et demi en service de neurologie. "Derrière, j’ai été arrêtée pendant un an en congé longue maladie ; actuellement, je n’ai pas repris totalement, mais j’ai repris le travail, et cela fait du bien. La convalescence a été difficile au début du fait de mes séquelles : la fatigabilité et les troubles du cognitif. J’avais tendance à chercher mes mots, à faire des erreurs dans l’écriture. Je pouvais vouloir dire le mot « pain » en l’écrivant « pin » sans m’en rendre compte de suite. Étant normalement une personne qui pouvait faire plusieurs choses en même temps, je n’en étais plus capable. J’avais beaucoup de mal à maintenir ma concentration. J’ai dû consulter une orthophoniste qui a posé le diagnostic : l’AVC avait bel et bien endommagé ma mémoire du travail."

Aujourd’hui, Gladys relativise : "Le moral est là, je suis en vie !". Elle se sent chanceuse. C’est toujours "la même Gladys", bien qu'elle ait dû s’adapter et accepter de ne plus pouvoir faire comme avant. Elle prend également plus soin d’elle et de sa santé physique. L'ingénieure en biologie fréquente désormais une maison de sport-santé, et cela lui fait du bien. Elle retrouve peu à peu son énergie. Mais avant tout, la quarantenaire s’écoute, nous dit-elle : "Dès que mon corps me donne un signal, je ne le pousse pas trop, je m’adapte à lui au quotidien".

Ayant plusieurs pathologies chroniques, l’AVC a pu être multifactoriel, c’est-à-dire que plusieurs causes ont pu l’enclencher, comme l’hypertension, l’obésité ou son syndrome des antiphospholipides (qui peut provoquer des thromboses). Avec une touche de stress par-dessus cela.

C’est pour avoir vécu tout ça que Gladys est désormais patiente experte. "Un patient expert, c’est une personne qui est atteint de pathologie chronique et qui, au fur et à mesure de sa cohabitation avec la pathologie, a acquis une expertise de la maladie qui peut être mise à profit vis-à-vis de ses pairs, de ses médecins, c’est donner une perspective de patient. Il faut avoir un certain recul par rapport au vécu, car effectivement, soigner une pathologie chronique lorsque l’on ne sait pas comment elle se vit, c’est parfois compliqué. Et nous, c’est ce côté-là que l’on peut amener." Elle a pour cela suivi une formation, un Diplôme Universitaire d’éducation thérapeutique du patient à la Sorbonne-Université. Certains aidants peuvent suivre cette formation, mais le plus approprié est une personne atteinte pour apporter une sensibilité plus fine quant au ressenti de la maladie

"J’avais une image complètement stéréotypée de l’AVC"

Pleine de préjugés sur l’AVC, "je pensais que cela arrivait aux personnes âgées ou à ceux qui fument peut-être un peu trop", dit-elle timidement. "J’avais une image complètement stéréotypée de l’AVC, et en entrant dans cet univers-là, je me suis rendu compte que non ! Que nous sommes tous concernés par l’AVC quel que soit l’âge, il y a même des bébés qui font des AVC ! C’était important pour moi de parler des signaux de l’AVC, à quel moment reconnaître une urgence vitale, et derrière, faire de la prévention en éliminant les facteurs de risque, en ayant des habitudes favorables. C’est pour cela qu’avec quatre instagrammers, victimes d’AVC eux aussi, nous avons décidé de créer une vidéo de sensibilisation, disponible sur nos réseaux sociaux, avec les compétences de chacun où l’on présente l’AVC et ses séquelles. Le post-AVC doit être mis en lumière."

Sa nouvelle épée de Damoclès ? La crainte d’en refaire un, car "personne n’est à l’abri d’en refaire un", reconnaît-t-elle.

Avant de quitter la rédaction de Pourquoi Docteur, elle confie : "Souvent, face à la maladie, nous pouvons nous sentir coupable. Mais je pense que l’on ne doit pas s’excuser d’être malade, parce qu’on ne le choisit pas."

@pourquoidocteur L’accident vasculaire cérébral (AVC), ou « attaque cérébrale », correspond à l’obstruction ou à la rupture d’une artère dans le cerveau. Il s’agit d’une urgence médicale absolue car, chaque seconde, le malade perd des milliers de cellules nerveuses dans son cerveau. Il faut appeler le 15 pour le traiter dans un centre spécialisé. Gladys en a été victime il y’a plus d’un an et nous dévoile son témoignage. #temoignagepatient #interview #témoignage #avc #pourquoidocteur ♬ son original - pourquoidocteur