Dans une étude publiée dans Nature Medicine, des scientifiques détaillent le processus de développement de la neuroprothèse utilisée pour traiter un premier patient atteint de la maladie de Parkinson, "lui permettant de marcher avec fluidité, confiance et sans chute".
Maladie de Parkinson et troubles de la marche
Des troubles de la marche invalidants surviennent chez environ 90 % des personnes qui présentent un stade avancé de la maladie de Parkinson et résistent souvent aux traitements actuellement disponibles. "Développer de nouvelles stratégies permettant aux patients de remarcher avec fluidité, en écartant le risque de chute, constitue donc une priorité pour les équipes de recherche qui travaillent sur cette maladie depuis de longues années", expliquent les scientifiques dans un communiqué de presse. C’est le cas d’Erwan Bézard, neuroscientifique à l’Inserm, et de son équipe à l’Institut des maladies neurodégénératives (CNRS/Université de Bordeaux). Depuis plusieurs années, il collabore avec une équipe suisse dirigée par les Pr Grégoire Courtine, neuroscientifique, et Jocelyne Bloch, neurochirurgienne.
En 2016, l’équipe franco-suisse avait par exemple déjà publié dans Nature des travaux montrant l’efficacité d’une interface cerveau-moelle épinière – dite « neuroprothèse » – pour restaurer le fonctionnement d’un membre paralysé à la suite d'une lésion de la moelle épinière. Les résultats prometteurs avaient incité les scientifiques à poursuivre leurs efforts et laissaient espérer des effets bénéfiques dans la maladie de Parkinson avec un dispositif similaire.
Parkinson : la neuroprothèse vise la moelle épinière pour rétablir la marche
Dans cette nouvelle étude, l’équipe a donc mis au point une neuroprothèse comparable pour pallier les chutes et le phénomène de freezing (quand les pieds restent collés au sol pendant la marche, NDLR) associé à la maladie de Parkinson.
Contrairement aux traitements conventionnels de la maladie de Parkinson, qui ciblent les régions du cerveau directement touchées par la perte des neurones producteurs de dopamine, cette neuroprothèse vise la zone de la moelle épinière responsable de l'activation des muscles des jambes pendant la marche.
S’appuyant sur leur expertise complémentaire, les équipes française et suisse ont pu développer et tester la neuroprothèse sur un modèle de primate non humain reproduisant les déficits locomoteurs dus à la maladie de Parkinson. Le dispositif a non seulement permis d’atténuer les déficits locomoteurs, mais aussi de rétablir la capacité de marche dans ce modèle en diminuant les phénomènes de freezing.
"L’idée de développer une neuroprothèse stimulant électriquement la moelle épinière pour harmoniser la démarche et corriger les troubles locomoteurs de patients parkinsoniens est le fruit de plusieurs années de recherche sur le traitement de la paralysie due aux lésions médullaires", explique Erwan Bézard, directeur de recherche Inserm à l’Institut des maladies neurodégénératives (université de Bordeaux/CNRS).
"Des tentatives précédentes de stimulation de la moelle ont échoué car elles stimulaient en bloc les centres locomoteurs sans tenir compte de la physiologie. Dans le cas présent, il s’agit d’une stimulation qui se superpose au fonctionnement naturel des neurones de la moelle en stimulant, avec une coordination spatiotemporelle, les différents groupes musculaires responsables de la marche", ajoutent Grégoire Courtine et Jocelyne Bloch.
Porteur de Parkinson, Marc retrouve une marche quasi normale avec la neuroprothèse
Un premier malade, âgé de 62 ans et vivant avec la maladie depuis trois décennies, a ainsi été opéré il y a deux ans au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), à Lausanne. Au cours d’une intervention neurochirurgicale de précision, Marc, originaire de Bordeaux, a été équipé de cette nouvelle neuroprothèse, constituée d’un champ d’électrodes placé contre la région de sa moelle épinière qui contrôle la marche et d’un générateur d’impulsions électriques implanté sous la peau de son abdomen.
Grâce à la programmation ciblée des stimulations de la moelle épinière qui s’adaptent en temps réel à ses mouvements, Marc a rapidement vu ses troubles de la marche s’estomper. Après une rééducation de quelques semaines avec la neuroprothèse, il a retrouvé une marche presque normale.
Cette neuroprothèse ouvre donc de nouvelles perspectives pour traiter les troubles de la marche dont souffrent de nombreuses personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Toutefois, à ce stade, ce concept thérapeutique a démontré son efficacité chez une seule personne, avec un implant qui doit encore être optimisé pour un déploiement à grande échelle.
Les scientifiques travaillent donc à la mise au point d'une version commerciale de la neuroprothèse intégrant toutes les fonctionnalités indispensables pour une utilisation quotidienne optimale. Des essais cliniques sur un plus grand nombre de patients doivent également démarrer dès l’année prochaine. "Notre ambition est de généraliser l'accès à cette technologie innovante afin d'améliorer significativement la qualité de vie des patients atteints de la maladie de Parkinson partout dans le monde", concluent les chercheurs.
En France, la prévalence de la maladie de Parkinson est en constante augmentation
Avec 272.500 patients aujourd’hui recensés, 1 Français sur 50 sera touché par la maladie de Parkinson au cours de son existence. La prévalence de cette pathologie est en constante augmentation dans notre pays, qui compte 2,5 fois plus de malades qu’en 1990. "Ce phénomène est essentiellement dû au vieillissement de la population et probablement à des facteurs hormonaux ou environnementaux dont on ne connaît pas encore l’impact exact sur la maladie", conclut Jean-Louis Dufloux, président de l’association France Parkinson.
La maladie de Parkinson est une affection neurodégénérative progressive dont on ne guérit pas.