François Hollande a subi une opération de la prostate à la veille de la campagne des primaires en vue de l'élection présidentielle de 2012. Cette information révélée par France Info a été confirmée par un communiqué de l'Elysée : le président de la République « a été hospitalisé quelques jours dans le service d’urologie du CHU de Cochin pour une hypertrophie de la prostate », indique-t-il.
Denis Demonpion, rédacteur en chef au Nouvel Observateur et auteur de l'ouvrage Le dernier tabou, Révélations sur le santé des présidents explique à pourquoidocteur pourquoi François Hollande aurait dû révéler à ses concitoyens son état de santé.
François Hollande aurait-il dû annoncer cette opération dès qu'il a été élu ?
Denis Demonpion : Il aurait pu, dans un bulletin, annoncer que malgré quelques troubles prostatiques quelques mois plus tôt, il se portait bien. Dans le cas de François Hollande et de son intervention de la prostate, la situation était claire : cela relevait de la vie privée aussi longemps qu'il était Président du Conseil général de Corrèze puisqu'il n'était pas soumis au suffrage universel. C'est intervenu un mois avant qu'il ne se déclare officiellement candidat à la primaire socialiste puis à la présidentielle. Une fois élu, les Français ont le droit de savoir si le chef de l'Etat est bien portant.
Peut-on rapprocher le cas de François Hollande de celui de François Mitterrand ?
Denis Demonpion : François Hollande a publié deux bulletins de santé depuis son élection, le dernier en mars 2013, où tout a paru normal. Il faut espérer que les bulletins soient sincères, parce qu'il y a eu le précédent de François Mitterrand, qui lui-même a été sujet à des problèmes de prostate. Son cancer de la prostate a été diagnostiqué quelques mois après son élection à la présidence de la République, en novembre 1981. Il n'était pas bénin puisque les médecins ont tout de suite diagnostiqué des métastases osseuses. Il a été soumis à un traitement de choc pendant ses deux septennats et on n'a découvert qu'après coup que tous les bulletins de santé étaient mensongers.
Dans le cas de François Mitterrand, ce qui est intéressant, c'est le rapport vie privée - vie publique. En mai 2004, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a eu à trancher une question posée par le médecin personnel de François Mitterrand, Claude Gubler. Il avait, après les deux septennats, publié un ouvrage dans lequel il révélait que, pendant 14 ans, François Mitterrand avait souffert d'un cancer. La famille a porté plainte et le Dr Gubler s'est tourné vers la Cour Européenne des Droits de l'Homme qui lui a donné raison, car elle a considéré qu'il ne pouvait pas y avoir de secret dès lors qu'on est élu au suffrage universel.
C'est là que cela pose problème : de ce point de vue, le Président de la République a des devoirs. Aujoud'hui, la prostate fait fantasmer : on lit à longueur de journeaux des articles à ce sujet. On nous assure que la situation de François Hollande est bénigne. Nous sommes prêts à le croire, encore faut-il que ce soit la vérité.
Y a-t-il eu des précédents sous la 5e République ?
Denis Demonpion : Il y a eu le Général De Gaulle qui a eu un problème de prostate en 1962. Il a été opéré à l'hôpital Cochin dans le plus grand secret. Ce n'est qu'après l'intervention que l'Elysée a publié un communiqué très court, banalisant totalement l'information. Mais autres temps, autres moeurs. Ce qui a changé dans l'approche de la santé des présidents de la République, ce sont les mensonges de Georges Pompidou, qui avait une forme de leucémie. Alors qu'il était sous cortisone, qu'il était boursouflé, il persistait à dire que c'était une grippe qui était mal soignée. A l'époque, personne n'a trouvé à y redire, on prenait la parole présidentielle pour argent comptant. Le choc provoqué par la mort de Georges Pompidou a alarmé ses successeurs. Valéry Giscard d'Estaing, le premier, a pris l'engagement de publier des bulletins de santé. Il faut dire que, là encore, une fois élu il n'a pas tenu parole.