“Les émissions de PFAS d’origine industrielle sont non intentionnelles, mais là, ce qu'il est important de souligner, c’est qu’on est sur une émission intentionnelle et connue, car on étend directement et délibérément ces substances sur les sols”, déplore la toxicologue Pauline Cervan en présentant le nouveau rapport des ONG Générations Futures et Pesticide Action Network Europe. Leur constat est alarmant : il existe bel et bien des substances pesticides appartenant à la famille des PFAS, c’est-à-dire des polluants chimiques éternels. Cela les rend plus efficaces, donc depuis une dizaine d’années, les ventes de ces pesticides PFAS ont explosé en France, passant de quelque 700 tonnes en 2008 à plus de 2.300 tonnes en 2021.
Pesticides PFAS : une contamination délibérée de notre alimentation
“En fait, on commençait à savoir depuis quelques années que des PFAS étaient utilisés dans les pesticides, mais on n’avait pas de liste précise concernant ces substances”, détaille la toxicologue. “Mais grâce à la réglementation REACH [dispositif européen qui vise à mieux évaluer et contrôler les produits chimiques utilisés par les industriels, ndlr], on a eu accès aux informations. Au total, l’utilisation de 37 de ces substances actives dans les pesticides est toujours approuvée dans l’Union européenne.”
Problème : les pesticides sont généralement directement appliqués sur les cultures agricoles, ce qui entraîne des résidus dans l’alimentation, mais également des émissions directes dans l’environnement. Or, ces pesticides qui sont eux-mêmes persistants et/ou toxiques, peuvent être, à cause des substances actives, transformés en métabolites encore plus toxiques et/ou persistants. “Le sol, l’air, l’eau - y compris l’eau potable - et les aliments sont contaminés. Les résidus de PFAS s’accumulent dans les plantes et les autres organismes vivants, y compris l’Homme”, souligne le rapport. C’est d’autant plus le cas que ces produits peuvent être utilisés dans toutes les cultures agricoles.
Métabolites de pesticides : quels sont les risques pour la santé ?
“Sur les dix substances les plus vendues en France, toutes ont des substances persistantes”, avance Pauline Cervan. Le TFA, ou acide trifluoroacétique, est l’un de ces métabolites très persistants. Des mesures effectuées dans les eaux douces suédoises et dans les eaux du robinet allemandes montrent notamment sa présence à des niveaux préoccupants. “En France, ces substances ne sont pas encore recherchées. Ni dans les nappes phréatiques, ni dans les eaux souterraines”, précise-t-elle.
Les ONG soulignent également que l’évaluation menée par les agences sanitaires est “défaillante”, notamment parce que “les propriétés toxiques des métabolites des PFAS ne sont pas évaluées de manière approfondie”, ce qui est également le cas pour les propriétés de perturbations endocriniennes que peuvent avoir les PFAS. Par ailleurs, l’effet cocktail - c’est-à-dire l’effet que peut produire le mélange de ces substances sur l’organisme - n'est quant à lui pas du tout évalué.
L’exposition chronique à ces substances pourrait entraîner des conséquences à long terme pour les humains, en particulier parce que plusieurs d’entre elles sont soupçonnées d’être cancérogènes, génotoxiques, neurotoxiques, “et beaucoup présentent des effets indésirables même à de faibles concentrations, affectant le foie, le système immunitaire et le système endocrinien”, rappellent les auteurs du rapport.
Pesticides PFAS : quelles sont les substances les plus vendues en France ?
Générations Futures et Pesticide Action Network Europe réclament aux politiques une “interdiction urgente” de tous ces pesticides éternels. À noter que, d'après les données qu'ils ont recueillies, les dix substances pesticides PFAS les plus vendues en France sont : le flufénacet, le diflufénican, le fluopyram, le méfentrifluconazole, la trifloxystrobine, la lambda-cyhalothrine, la flurochloridone, le fluopicolide, le fluazinam et le tau-fluvalinate.