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Financement des thérapeutiques innovantes

Cancer : l’excellence française menacée faute de budget

Par Afsané Sabouhi

Une comparaison sur 29 pays place la prise en charge du cancer en France parmi les meilleures d’Europe. Une position que la France va avoir du mal à tenir, estime le Pr Josy Reiffers, président d’Unicancer.

DURAND FLORENCE/SIPA

Parmi 29 pays européens, la France est l’un de ceux où les chances de survivre à un cancer sont les plus élevées, quelque soit sa localisation et l’âge du malade. C’est le résultat de deux grandes études publiées aujourd’hui dans la revue spécialisée Lancet Oncology et menées sur plus de 9 millions de cancers diagnostiqués chez des adultes et 60 000 chez des enfants entre 1999 et 2007.


Les cancers de la prostate et du rectum chez l’adulte, les cancers du sang chez l’enfant ou encore le lymphome non hodgkinien, un cancer du système immunitaire ont bénéficié de progrès majeurs : nouveaux médicaments, techniques chirurgicales plus efficaces et diagnostics plus précoces grâce au dépistage. Et la situation s’est encore améliorée depuis la période étudiée qui s’arrête en 2007.

 

Ecoutez le Pr Josy Reiffers, hématologue et président d’UNICANCER, le Groupe des Centres de lutte contre le cancer : « Aujourd’hui, grâce à une thérapie ciblée mise sur le marché en 2004, on ne meurt pratiquement plus de leucémie myéloïde chronique et les patients diagnostiqués aujourd’hui ont une survie comparable à la population générale »



Cette amélioration de la survie des malades s’accompagne également d’une meilleure prise en compte de leur qualité de vie. « Les plans cancer successifs ont contribué à affirmer la place des soins de support et notamment la prise en charge de la douleur », souligne le Pr Reiffers, directeur général de l’Institut Bergonié à Bordeaux, et président d’Unicancer, fédération des 20 centres de lutte contre le cancer répartis en France. Autre évolution en cours, l’ambulatoire, c’est à dire la possibilité de pouvoir suivre un protocole de chimio ou radiothérapie sans hospitalisation complète, en rentrant chez soi le soir. Cette évolution de la prise en charge est particulièrement plébiscitée par les Français selon le Baromètre cancer réalisé en septembre dernier par Viavoice pour l’Institut Curie. 79% des Français disent préférer cette prise en charge ambulatoire à une hospitalisation classique, surtout les femmes (85%) et les plus de 35 ans (87%), parce qu’elle permet de ne pas isoler la personne malade du soutien de son entourage familial et social.


« La France pourrait ne pas tenir longtemps son standing »

Mais si la prise en charge française du cancer est aujourd’hui un exemple en Europe, les spécialistes ne voient pas l’avenir avec grand optimisme. Les restrictions budgétaires dans les centres de lutte contre le cancer pourraient, dans les toutes prochaines années, empêcher les patients français de bénéficier des outils de diagnostic et des traitements les plus innovants.


Ecoutez le Pr Josy Reiffers
: « La France pourrait ne pas tenir longtemps son standing. Aujourd’hui, on a une grosse difficulté budgétaire dans la prise en charge du cancer. Il y a un vrai problème avec l’innovation. »



Pour le Pr Reiffers, cette réticence française à financer l’accès des malades à l’innovation est une erreur et le fruit d’une gestion budgétaire à très court terme. Les nouveaux outils de diagnostic et les nouveaux traitements du cancer sont effectivement plus chers que les chimiothérapies classiques mais in fine, l’Assurance Maladie pourrait y trouver des marges d’économies.


Ecoutez le Pr Josy Reiffers
: « Si on adapte d’emblée la bonne thérapie au bon malade, il y a moins de rechutes, moins de chimio, moins d’indemnités puisque la personne peut continuer à travailler et même moins de transport en ambulance... »



Le 3e plan cancer pour 2014 à 2018 est actuellement en cours de rédaction, il doit être présenté par François Hollande le 4 février prochain.